Academia.eduAcademia.edu
Couverture AG 2008 Prix : 12 € 8/02/08 10:33 Page 2 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 1 Les oppida du Gard Catalogue Archéo 2008 2 7/02/08 20:28 Page 2 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 3 Avant-propos L es "oppida", ces villes et villages gaulois le plus souvent perchés et fortifiés, sont nombreux dans le Gard : ils constituent la manifestation la plus symptomatique de l'occupation humaine du département durant le millénaire précédant notre ère. Ils illustrent, par leur diversité et parfois leur ampleur, une période passionnante où, autour de la Méditerranée, progressivement certains concepts de la vie moderne se développent : la ville, le quartier, la maison de pierres ou de briques, la rue, le commerce international, le vin, l'écriture, la monnaie… Plusieurs sont à l'origine de nos villes actuelles, comme Nîmes, Alès ou Beaucaire ; d'autres disparurent à la fin de l'âge du Fer ; d'autres encore survécurent à la conquête romaine mais pas à l'Antiquité : villes mortes, ils hantent nos garrigues. Les vestiges de certains d’entre eux sont visibles dans le paysage : remparts et murs de pierre sèche peuvent se confondre avec les « clapas » de nos garrigues. Cependant, le visiteur averti ne s’y trompe pas : on reconnaît ici une rue, là des quartiers d’habitation, ou bien encore d’épais murs d’enceintes, témoignages parfois spectaculaires de l’activité humaine de ces périodes précédant la conquête romaine. Mieux connaître la nature et le fonctionnement des oppida méridionaux fut l'une des tâches prioritaires des protohistoriens de la deuxième moitié du XXe siècle. Mieux les faire connaître, -et peut-être reconnaître-, au public du Gard et d'ailleurs, est l’un des objectifs que poursuit le Conseil général du Gard avec cette cinquième livraison des "Archéologies gardoises". 3 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 4 Sommaire Les oppida du Gard par Bernard Dedet et Michel Py Directeurs de recherche au CNRS UMR 5140 du CNRS, Montpellier-Lattes. Qu'est-ce qu'un oppidum ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 5 La Protohistoire gardoise : regard historiographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 7 Le réseau des oppida du Gard . . . . . . . . . . . . . . . .p. 15 L’oppidum de Nîmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 23 L'oppidum des Castels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 29 L'oppidum de Roque de Viou . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 41 L'oppidum de La Liquière . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 49 L'oppidum de Mauressip . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 55 L’oppidum du Plan de la Tour . . . . . . . . . . . . . . . .p. 61 L’oppidum de Vié-Cioutat . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 67 L'oppidum de l’Ermitage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 73 L'oppidum du Camp de César . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 77 L’oppidum de Saint-Vincent . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 81 L'oppidum du Marduel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 85 L'oppidum de Beaucaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 93 âge bronze âge du du bronze néolithique néolithique - 4000 4 - 2500 - 1800 - 1200 - 1000 âge fer âge du du fer - 800 - 400 - 200 époque romaine gallo-romain 0 200 400 moyen âgeâge moyen 800 1000 1500 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 5 Qu'est-ce qu'un oppidum ? L e latin "oppidum" (pluriel "oppida") désigne d'une manière générale un habitat groupé d'une certaine importance, une agglomération présentant certains caractères urbains, voire munie d'un statut spécifique comme dans l'expression "oppidum latinum". Le fait que ce terme ait été largement utilisé par César, dans ses commentaires de la Guerre des Gaules (58-52 av. n. è.), comme qualificatif des principales bourgades celtiques qu'il a fréquentées ou combattues, a très tôt incité les érudits et les archéologues français à réserver l'emploi du mot pour désigner les grands habitats fortifiés caractérisant la fin de l'âge du Fer en Gaule septentrionale, et plus particulièrement les agglomérations de hauteur. Ainsi, progressivement, le terme d'oppidum, au départ assez vague, s'est spécialisé dans la littérature archéologique aussi bien culturellement (un habitat caractéristique des Gaulois) que chronologiquement (typique de la fin de la période de la Tène) et structurellement (fortification et perchement étant conçus comme des critères significatifs). C'est d'abord par mimétisme que les Protohistoriens méridionaux ont employé le mot "oppidum" pour désigner les habitats perchés de l'âge du Fer du Midi de la France. Dès le milieu du XIXe siècle, époque où les Gaulois sont à la mode, ce terme savant se popularise et sont ainsi dénommés par exemple l'oppidum du Mont-Cavalier à Nîmes, de Vié-Cioutat à Mons-et-Monteils ou des Castels à Nages, appellations dont certaines se conservent encore sur les cartes d'état-major. Les fouilles développées au cours du XXe siècle sur plusieurs de ces sites insistèrent sur les particularités de ces villes fortes préromaines ; leurs résultats, concernant les modes de vie et de bâtir, servirent même à promouvoir l'idée d'une "civilisation des oppida". Les recherches récentes, en précisant la chronologie de la longue histoire des établissements protohistoriques, depuis la fin de l'âge du Bronze jusqu'à l'époque romaine, en investissant également d'autres secteurs géographiques que les garrigues et leur bordure méridionale, ont montré que la caractérisation des formes de l'habitat de cette période, multiples et évolutives, ne pouvait se contenter d'un terme à la fois vague dans sa conception latine et ambigu dans son acception celtique : les oppida du Midi, de taille en général modeste mais densément occupés, ne ressemblent en effet guère aux oppida du Nord, vastes enceintes en partie vides qui peuvent atteindre plusieurs centaines d'hectares. Ils sont par ailleurs eux-mêmes très divers dans le temps comme dans l'espace, du village des premiers temps (comme La Liquière) aux grandes agglomérations du IIe âge du Fer (comme Nages ou Nîmes), du hameau de plaine à la ville fortifiée de hauteur, voire même à l'agglomération fortifiée de plaine du type de celle récemment découverte au Cailar, toutes formes pouvant réclamer l'appellation d'oppidum sans pour autant se définir précisément à travers elle. On s'en tiendra ici à une définition large des oppida, synonyme d'habitats groupés de l'âge du Fer (même si l'occupation put y débuter antérieurement), le plus souvent établis sur une hauteur (mais pas toujours), le plus souvent fortifiés (mais pas obligatoirement), agglomérations relativement caractéristiques de cette époque qui les voit naître, se développer et parfois disparaître. 5 Catalogue Archéo 2008 6 7/02/08 20:28 Page 6 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 7 La Protohistoire gardoise : regard historiographique A u fil du temps, l’étude de la Protohistoire en tant que telle a lentement émergé. De l’époque des Lumières au milieu du XIVe XIVe siècle. Portrait d'Eugène Germer-Durand conservé par l'Académie de Nîmes - (cliché J.-P. Goudet). Au XVIIIe siècle l’intérêt pour la Protohistoire, cette période de l’Histoire précédant immédiatement la mainmise de Rome sur la Gaule, n’existe pas encore dans le Gard, même si les historiens commencent alors à évoquer les Gaulois, comme Léon Ménard (1706-1767), conseiller au présidial, dans sa monumentale « Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes », en sept volumes publiés entre 1744 et 1758 ; ou, à la même époque pour Aramon, Esprit Calvet, professeur à la Faculté de Médecine d’Avignon mais aussi féru d’antiquités et dont la collection est à l’origine du musée avignonnais qui porte son nom. Le département, bien évidemment, est touché par le mouvement des antiquaires, mais ces érudits, à la fois collectionneurs d’objets et historiens, s’intéressent avant tout au prestigieux passé romain et aux monuments qu’il a laissés dans la région, attrait renouvelé depuis le XVIIIe siècle par la découverte et la fouille de Pompéi et d’Herculanum. À Nîmes, en particulier, cet engouement coïncide avec des travaux urbanistiques importants, et la renommée des découvertes provoquées par l’aménagement du quartier de la Fontaine servira en même temps au rayonnement économique de la ville alors en plein essor. 7 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 8 Fouille sur l'oppidum des Castels à Nages dans les années 1910 : de gauche à droite, le commandant Gimon, Félix Mazauric et, au fond de la tranchée, le "fidèle Albert" (archives Lucie Mazauric). 8 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 9 De fait, en maintes occasions et en maints lieux du département, la continuité entre l’habitat d’avant et celui d’après la conquête romaine mit ces savants du XVIIIe et du début du XIXe siècles en contact avec les sites et des documents de la Protohistoire, mais c’est presque toujours à leur insu car l’époque ne sait pas encore reconnaître ce qui est protohistorique. Si on est conduit à visiter des oppida pré-romains, c’est parce qu’on est attiré par d’importants vestiges architectoniques ou des objets mobiliers datant de l’époque galloromaine. Dans une lettre adressée en 1764 au comte de Caylus, grand antiquaire parisien faisant alors autorité en la matière, Esprit Calvet relate son passage dans le Gard rhodanien, à Laudun et notamment sur l’oppidum du Camp de César, pour voir « s’il n’y a rien d’antique dans le pais ». On retrouve encore son passage en 1792 à Aramon, qui fut aussi une importante agglomération du deuxième âge du Fer. Autre exemple, celui du site d’Arlende en région alésienne : en 1779 le Docteur Marsan, de Rivières, un village voisin, écrit à Jean-François Séguier, naturaliste et homme de lettres nîmois, alors secrétaire perpétuel de l’Académie de Nîmes, pour mentionner la découverte en ce lieu de nombreuses médailles, d’inscriptions et de tombeaux antiques. Nulle part cependant les vestiges concrets qui relèvent de la Protohistoire ne sont appréhendés en tant que tels. On doit cependant au XVIIIe siècle la découverte d’une inscription particulièrement intéressante pour la Protohistoire de la région, qui, depuis lors, a fait couler beaucoup d’encre. En 1747 à Nîmes, près de la source de la Fontaine, au chemin de Sauve, dans un champ, fut mise au jour une base de colonnette en marbre où sont inscrits les noms de onze agglomérations. Cette inscription est reproduite dans l’ouvrage de Ménard ; elle fit partie de la collection de JeanFrançois Séguier et se trouve maintenant conservée au Musée archéologique de Nîmes. Elle est particulièrement précieuse car, si la signification de la liste qu’elle porte est malheureusement incompréhensible, son intérêt est de mettre un nom sur plusieurs agglomérations gardoises protohistoriques et antiques. Six ou sept de celles-ci sont maintenant identifiées, plus ou moins sûrement, avec des habitats d’origine pré-romaine de la cité de Nîmes : six situés dans le territoire actuel du Gard, ANDUSIA (Anduze), VGERNI (Beaucaire), VCETIAE (Uzès), BRIGINN (Brignon), SEGVSION (sans doute Suzon, hameau de la commune de Bouquet) et VATRVTE (sans doute Vié-Cioutat, sur la commune de Mons), et un septième dans l’Hérault, aux portes de Montpellier, SEXTANT (Substantion à Castelnau-le-Lez). La reconnaissance des quatre autres noms, BRVGETIA, TEDVSIA, STATVMAE, VIRINN, reste à ce jour problématique. Les débats autour de cette inscription, qui ont débuté voilà maintenant plus de 250 ans, ne sont évidemment pas clos… 1850-1950 : un siècle d’inventaire Durant la première moitié du XIXe siècle, l’archéologie classique accapare toujours l’attention, notamment à Nîmes, et il faut attendre la seconde partie de ce siècle pour qu’émerge une recherche ayant pour objet la Protohistoire elle-même. À vrai dire, la région ne fait que participer à un mouvement général en France : en étudiant Jules César et la guerre des Gaules, en faisant ouvrir des fouilles sur quelques haut-lieux de la conquête comme Alésia ou Bibracte, Napoléon III a rendu les Gaulois intéressants ; et ceux-ci entrent définitivement dans l’Histoire de France avec la troisième République. À une époque encore dépourvue de structures nationales de recherche archéologique, les sociétés savantes, et particulièrement nîmoises, jouent un rôle moteur dans le département. La Société Scientifique et Littéraire d’Alais, fondée en 1868, la Société d’Etude des Sciences Naturelles de Nîmes, créée en 1871, l’Académie de Nîmes, qui succède en 1878 à l’Académie du Gard, dont la fondation remonte à 1682, l’École Antique de Nîmes, qui naît en 1920, sauvent de l’oubli par leurs publications régulières les découvertes faites dans le département et entretiennent l’émulation et les discussions entre leurs membres ; elles jouent un rôle incitatif en promouvant certaines études. Dès sa création par la municipalité dans les locaux de l’ancien Collège des Jésuites en 1896, en complément du Musée de la Maison Carrée qui existait depuis 1823, le Musée archéologique de Nîmes fait une place importante aux documents 9 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 10 Fouille sur l'oppidum des Castels à Nages dans le quartier L en 1978 (cliché M. Py). 10 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 11 pré-romains. Et les différents recueils de statues et d’inscriptions publiés, notamment ceux d’Émile Espérandieu, conservateur entre 1919 et 1939, signalent largement cet intérêt. Les chercheurs gardois participent aussi aux travaux de la « Commission d’Étude des Enceintes préhistoriques et fortifications anhistoriques » créée en 1906 à l’échelon national par la Société Préhistorique Française dont le siège est à Paris. Car, dans le Gard, comme ailleurs en France, c’est alors le temps de l’inventaire des oppida pré-romains, et cette phase va se prolonger jusque vers les années 1950, avec toutefois une très forte baisse d’activité entre les deux guerres mondiales. La plupart des sites sont visités et prospectés, font l’objet de ramassages de surface renouvelés et des premières relations écrites et publiées : par exemple le Serre de Brienne à Brignon (Auguste Pelet en 1857), Suzon à Bouquet et ViéCioutat à Mons (Gratien Charvet en 1872), Castelvielh à Sainte-Anastasie (Eugène Germer-Durand en 1873), SaintVincent à Gaujac (Emilien Dumas à la fin du XIXe s.) ou encore la Forêt à Euzet et la Dame de Brueys à Aigaliers (Ulysse Dumas dans la première décennie du XXe s.). C’est aussi l’époque des premières fouilles, comme celles qu’effectua Edmond Flouest en 1867 et 1868 sur l’oppidum des Castels à Nages. Beaucoup des acteurs de cette recherche sont des érudits attachés au passé de leur pays, de la Préhistoire à la fin de l’Empire romain. Ils sont, par exemple, propriétaires fonciers tels Ulysse Dumas (1872-1909) ou Paul Cazalis de Fondouce (1835-1931), médecin comme Émile Marignan (1846-1937), agent voyer comme Gratien Charvet, ou officier comme Maurice Louis (1892-1966). Félix Mazauric, d’abord instituteur puis conservateur du Musée archéologique de Nîmes de 1906 à 1917, grâce aux relations qu’il entretient avec les maîtres de l’enseignement primaire, mène des enquêtes systématiques dans toutes les communes du département. Cela lui permet de présenter, avec Joseph Bourrilly, lors du 7e Congrès Préhistorique de France organisé à Nîmes en 1911 par la Société Préhistorique Française, une « Statistique des Enceintes préhistoriques et protohistoriques du Département du Gard ». Cet ouvrage, véritable bilan méthodique des connaissances alors acquises, décrit une soixantaine d’habitats protohistoriques (parmi quelques autres qui en fait ne concernent pas cette époque), classés par communes, avec les listes d’objets découverts et toutes les références antérieures. Cependant, malgré l’effervescence qui caractérise cette époque, force est d’admettre que la Protohistoire reste encore bien peu connue dans la région. On identifie alors mal les objets qui s’y rapportent ; les monnaies font exception, mais celles-ci ne concernent guère que la fin du IIe et le Ier s. av. J.-C., et il en va de même des armes des rares tombes découvertes. Les habitats des siècles précédents restent donc particulièrement difficiles à placer dans le temps. Dans ce contexte, le long article intitulé « Les derniers Arécomiques. Traces de la civilisation celtique dans la région du Bas-Rhône, spécialement dans le Gard » que Julien Barri de Saint-Venant, inspecteur des Eaux et Forêts alors en poste dans la région, publie en 1897 dans le Bulletin Archéologique, constitue la première monographie sur la Protohistoire gardoise. Les objets de la fin de l’âge du Fer, essentiellement métalliques, issus de sépultures y sont soigneusement décrits, et les preuves de la datation pré-romaine d’un grand nombre d’oppida, notamment Nages, Castelvielh, le Camp de César, Vié-Cioutat, la Jouffe, sont clairement apportées. Si désormais, à partir des dernières années du XIXe siècle, on fait clairement la part entre ce qui relève des périodes pré-romaine et gallo-romaine, jusqu’au milieu du XXe siècle cependant la chronologie de l’occupation de ces sites demeure encore très floue. La vie quotidienne de leurs habitants, leur économie, leur culture ne sont pas non plus dans les préoccupations du temps. C’est à cette découverte que s’attelleront les archéologues de la deuxième moitié du XXe siècle. Depuis les années 1950 : le temps des fouilles A partir du milieu du XXe siècle, à l’échelon national, se mettent en place les structures de gestion et de recherche actuelles, circonscriptions régionales des antiquités 11 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:28 Page 12 Inscription géographique découverte à Nîmes au XVIIIe siècle et conservée au Musée Archéologique de Nîmes (cliché D. Stokic). 12 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 13 historiques et préhistoriques, Université, CNRS, et démarre une professionnalisation du métier d’archéologue. En parallèle les sociétés savantes nîmoises poursuivent leur action. On soulignera le rôle formateur de l’École Antique de Nîmes, sous l’impulsion notamment de Victor et Christiane Lassalle : certaines sessions d’été, auxquelles ont participé nombre d’étudiants et d’archéologues bénévoles, sont entièrement consacrées à la Protohistoire régionale. De nouvelles institutions locales sont aussi créées, comme des musées municipaux faisant une place importante à la Protohistoire (Musées du Colombier à Alès, de la Vignasse à Beaucaire, Paul Raymond à PontSaint-Esprit, Musée municipal d’Archéologie à Nages-etSolorgues), ou encore la Société d’Histoire et d’Archéologie de Beaucaire. Progressivement, avec des moyens nouveaux, se produit un changement profond des préoccupations et des méthodes. Les progrès dans la connaissance de la chronologie des mobiliers, l’intérêt nouveau porté aux autres vestiges, notamment les restes végétaux et animaux, la fouille sur de vastes surfaces permettent d’envisager de nouveaux horizons : la forme et l’organisation de ces habitats, celle des maisons et la manière de les occuper, les activités de leurs habitants et leur équipement, leurs structures sociales, ainsi que les échanges locaux, régionaux ou plus éloignés comme avec la Gaule non méditerranéenne, l’Italie et la Grèce. Et de fait, durant ces cinquante dernières années, les chantiers de fouilles vont se multiplier sur les oppida gardois, le plus souvent recherches programmées dans le cadre d’une problématique définie, mais aussi parfois, et plus récemment, à partir des années 1990, opérations d’archéologie préventive menées par l’AFAN (devenue l'INRAP en 2002) sur des gisements voués à disparaître sous les pelles mécaniques des aménageurs. Certes tous les sites repérés par les générations précédentes d’archéologues ne font pas l’objet de recherches, mais de nouveaux sont découverts, comme Roquecourbe à Marguerittes, le Plan de la Tour à Gailhan ou la Madeleine à Tornac. Sur beaucoup de ces oppida des sondages plus ou moins limités permettent de définir les grandes phases d’occupation et la nature de chacune d’elles : La Font du Coucou à Calvisson (M. Py de 1970 à 1972) et le Roc de Gachonne sur la même commune (P. Garmy en 1976), Espeyran à SaintGilles (G. Sauzade et M. Py en 1970, 1971 et 1975), Villevieille (M. et C. Py en 1972 et 1973), Gauto-Fracho à Bouquet (B. Dedet en 1973), le Mont Cavalier à Nîmes (M. Py en 1974), le Grand Ranc à Boucoiran (B. Dedet en 1974), Roquecourbe à Marguerittes (M. Py en 1975), Castelvielh à Sainte-Anastasie (B. Dedet en 1975), la Redoute à Beaucaire (M. Py et A. Michelozzi en 1975 et 1976), les Barbes et Fon-Danis à Saint-Laurent-de-Carnols (D. Goury de 1981 à 1985), Lombren à Vénéjan (J. Charmasson et B. Dedet en 1985), Saint-Pierre de Castres à Tresques (A. Leclaire en 1993), le Montaigu à SaintVictor-des-Oules (H. Petitot en 2001). Plusieurs sites sont fouillés en extension, ce qui permet d’aborder l'ensemble des problématiques actuelles : l’Ermitage à Alès (J. Salles de 1952 à 1985), les Castels à Nages (M. Aliger de 1958 à 1966 puis M. Py de 1967 à 1981), Saint-Vincent à Gaujac (J. Charmasson de 1964 à1988), Vié-Cioutat à Mons (B. Dedet de 1966 à 1979), la Liquière à Calvisson (F. Py et P. Sauzet de 1967 à 1974), Roque de Viou à Saint-Dionisy (P. Garmy et M. Py de 1968 à 1975), Mauressip à Saint-Côme-et-Maruéjols (F. Py de 1969 à 1974), Plan de la Tour à Gailhan (B. Dedet de 1975 à 1988), le Marduel à Saint-Bonnet-du Gard (M. Py et D. Lebeaupin de 1976 à 1990), la Madeleine à Tornac (B. Dedet et A. Michelozzi en 1977 et 1980), la Roche à Comps (M. Py et A. Michelozzi de 1979 à 1982), la Jouffe à Montmirat (B. Dedet, J.-C. Bessac et R. Bonnaud de 1981 à 1985), le Camp de César à Laudun (D. Goury de 1990 à 1999), le Cailar (M. Py et R. Roure depuis 2002). Ainsi à l’aube du XXIe siècle, si l’on met à part les régions cévenoles qui forment encore une sorte de terra incognita due autant à l’état de la recherche qu’à d’autres manières d’habiter, les données dont nous disposons pour connaître les oppida gardois se répartissent sur presque l’ensemble du territoire départemental. 13 Catalogue Archéo 2008 Carte des principaux oppida du Gard. 14 7/02/08 20:31 Page 14 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 15 Le réseau des oppida du Gard L e département du Gard compte plusieurs dizaines d'oppida protohistoriques, pour la plupart connus dès le début du XXe siècle où ils ont fait l'objet d'inventaires. Les recherches récentes, entamées à partir des années 1960, n'en ont pas rajouté beaucoup mais se sont attachées à mieux définir leurs caractères et notamment leur chronologie, faisant apparaître une situation plus complexe que ne l'avaient imaginée les générations antérieures d'archéologues. Ceux-ci en effet avaient tendance à considérer que tout ce qui était "gaulois" était à peu près contemporain. Ils étaient également influencés par les textes anciens, notamment la Géographie de Strabon qui nous apprend que Nîmes administrait vingt-quatre "komai" (traduire "agglomérations") particulièrement peuplées, information confirmée par Pline qui parle de vingt-quatre "oppida ignobilia" (c'est-à-dire des habitats secondaires qu'il est inutile de nommer) : on considérait communément que les principaux oppida du Gard faisaient partie de ces sites inféodés à Nîmes, sentiment renforcé par la découverte sur ce site de l'inscription dite "géographique" 15 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 16 L'oppidum de Castelvielh à Sainte-Anastasie, dans un méandre du Gardon, habité à diverses périodes du IIe âge du Fer. 16 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 17 sur laquelle figurent les noms de onze cités antiques torchis sur poteaux porteurs, et de peu d'étendue, à régionales. l'exception de Roque de Viou qui couvre plus de 6 hectares On a cependant démontré depuis que, parmi les agglomé- et constitue le plus grand habitat de cette époque dans le rations que l'on plaçait au nombre des "oppida ignobilia" département. de Pline, certaines n'avaient pas été occupées aux mêmes périodes, et les analyses historiques ont insisté sur le fait que les textes en question avaient plutôt trait aux réformes administratives promulguées par Rome lors de l'organisation coloniale de la Narbonnaise, à partir du milieu du Ier siècle av. n. è., qu'à une éventuelle situation pré-romaine. De fait, concernant la répartition territoriale des oppida du Gard, la parole est revenue à l'archéologie et à une approche croisée des données chronologiques et géographiques. L'histoire des oppida de cette région peut se diviser en plusieurs étapes. Les premières formes d'oppidum protohistorique remontent à la fin de l'âge du Bronze, vers les L'oppidum de Gauto-Fracho à Bouquet, où l'on a repéré un village de hauteur du Bronze final. Xe-IXe siècles av. n. è., lorsque l'on voit se multiplier les Pour les premiers temps de l'âge du Fer, au VIIe s. av. n. è., installations de plein air, tant en plaine qu'en garrigue, et on ne connaît que peu d'oppida dignes de ce nom apparaître de nombreux villages de hauteur de tailles (citons La Redoute à Beaucaire), mais surtout des petites diverses. Citons par exemple, dans la plaine de la installations situées en plaine ou sur des coteaux à Vistrenque, l'habitat de Languissel sur la commune de la base de collines calcaires : ainsi Port-Vielh à Aigues- Nîmes ou de Moulin-Villard à Caissargues ; en Vaunage, les Mortes, sur le littoral, le Mas Saint-Jean à Bellegarde, oppida de la Font du Coucou et du Roc de Gachonne à en bordure des Costières, la Jasse de Roque à Montpezat Calvisson ; sur le rebord méridional des garrigues, Le et l'Arriasse à Vic-le-Fesq, en bordure du Bois des Marduel à Saint-Bonnet-du-Gard et Triple-Levée à Lens, Montaillon à Sanilhac-et-Sagriès, en bordure des Beaucaire à Garrigues de l’Uzège. Des sites plus importants illustrent Boucoiran ; en Vidourlenque, la Jouffe à Montmirat ; dans le VIe s. Les mieux connus sont La Liquière en Vaunage, le Gard rhodanien, Lombren à Vénéjan ; dans l’intérieur des sur la commune de Calvisson, et La Jouffe à Montmirat. Garrigues, Gauto-Fracho à Bouquet. Il n'est pas rare que les Mais on note également des occupations de cette installations de cette époque représentent les premières époque sur les oppida du Marduel et de la Font du Coucou phases de sites qui seront occupés, continûment ou à déjà cités, sur l'oppidum des Barbes-et-Font-Danis à plusieurs reprises, durant les âges du Fer. Cependant, il Saint-Laurent-de-Carnols, dans la vallée de la Cèze. s'agit encore le plus souvent d'un habitat peu stable, bâti en Cette relative raréfaction se note également dans la ; en Gardonnenque, le Grand-Ranc 17 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 18 Plan de l'oppidum de Villevieille, dominant Sommières et le Vidourle, siège d'un premier habitat au Ve s. av. n. è., et dont l'occupation reprend et se développe à partir de la fin du IIe s. av. n. è. et à l'époque romaine (dessin M. Monteil). 18 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 19 plaine littorale où les sites du VIIe et du plein VIe siècles C'est à cette époque probablement que s'affirme le rôle de restent peu nombreux. Nîmes comme capitale religieuse et probablement politique Les dernières années du VIe et le Ve siècle av. n. è. repré- d'une confédération de cités dont les sources historiques sentent incontestablement une phase de développement font état sous le nom générique de Volques Arécomiques. et de stabilisation de l'habitat groupé, et parallèlement L'occupation d'oppida anciens persiste et se développe, d'accentuation de l'exploitation des terroirs en plaine. avec souvent d'importants quartiers suburbains (Le C'est à cette époque qu'apparaissent sur le littoral Marduel, Nîmes, Mauressip, Beaucaire), d'autres sont des agglomérations jouant le rôle de comptoir en réoccupés et désormais fortifiés, comme l'oppidum de liaison avec l'accroissement des mouvements d'échange Roque de Viou au IVe s., Castelvielh à Sainte-Anastasie, la méditerranéens : ainsi le Cailar au confluent du Vistre Paradasse-de-Raymonde à Collias et Roquecourbe à et du Rhôny, et Espeyran à Saint-Gilles au bord du Marguerittes aux IIIe-IIe siècles. L'aspect monumental des Petit-Rhône. C'est alors également que débutent dans fortifications (comme sur l'oppidum des Castels à Nages), l'arrière-pays des installations longues et continues sur l'existence de constructions exceptionnelles tels que les plusieurs sites de hauteur, dont certains resteront occupés tours sommitales de Nîmes (Tour-Magne), Nages et à l'époque romaine et au-delà, que sont construits les Mauressip, l'aspect préconçu et très régulier de certains premiers remparts monumentaux, que se met en place urbanismes (Nages) montrent le haut degré de structuration progressivement un habitat plus stable, fait de pierres auquel parvient alors la société indigène. Tout le Gard n’est et de briques crues, et que s'ébauchent les premiers cependant pas logé à la même enseigne, et la moitié urbanismes structurés. Ce processus, stimulé par la septentrionale du département connaît alors une réelle croissance du commerce qui provoque une mutation baisse d’occupation. profonde de la société indigène et qui n'est pas sans créer La dernière étape, au Ier siècle av. n. è., se déroule en quelques décalages entre les sites les plus dynamiques et contexte de romanisation. Il apparaît à l'évidence, à d'autres restés plus traditionnels, a pu être observé sur de regarder les oppida de cette époque, que l'intervention nombreux oppida, tels que le Marduel, Nîmes, Mauressip à romaine de 123-118 av. n. è. n'a pas eu d'effets immédiats Saint-Côme-et-Maruéjols, La Roche de Comps au bord du sur l'histoire des populations gardoises, mais qu'elle a Rhône, Saint-Vincent à Gaujac, le Camp de César à Laudun, enclenché un processus très lent d'intégration qui a duré le Plan de la Tour à Gailhan et Villevieille dans la vallée du près d'un siècle, avec de nombreux soubresauts que les Vidourle. Il trouve un écho en plaine dans la mise en valeur textes anciens laissent deviner. Dans cette période, les des terroirs de chaque agglomération et le développement agglomérations protohistoriques vont connaître des destins des voies de communication que révèlent aujourd'hui les fort différents selon le rôle qui leur est réservé dans les grands travaux d'archéologie préventive. nouvelles structures mises en place par Rome. Nîmes, La phase suivante, du IVe au IIe s., représente en quelque favorisée en tant que capitale régionale, montre des signes sorte la période classique des oppida du IIe âge du Fer, précoces de romanisation dans l'habitat, et dans son tandis qu'on observe dans les plaines une sensible déprise. entourage, un oppidum comme le Serre de Brienne à 19 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 20 L'oppidum de Roquecourbe à Marguerittes, fréquenté aux VIe-Ve s. av. n. è., puis réoccupé et fortifié au IIIe s. av. n. è. 20 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 21 Brignon accueille probablement des colons et des artisans encore assez ouverte à la mobilité des groupes humains ; et italiens ; sur la Voie Domitienne, Beaucaire connaît un net le deuxième âge du Fer où se met progressivement en place, développement ; tout aussi voisin de la future colonie, trop à partir de la fin du VIe siècle, un certain nombre voisin peut-être, l'oppidum des Castels à Nages témoigne d'habitats fortifiés possédant et gérant un territoire au contraire d'un lent déclin qui annonce son prochain propre, forme d'oppidum-cité qui constitue l'une des abandon. Mais les restructurations en cours ne concernent caractéristiques de la Gaule méditerranéenne. On notera pas que les bourgades précédemment occupées : de aussi l’extrême rareté de ces habitats dans les Cévennes nouveaux oppida sont également créés, souvent sur micaschisteuses et granitiques, probable reflet d’une des sites anciennement habités mais désertés depuis population plus rare et plus clairsemée. longtemps : ainsi le Camp de César à Laudun, l'Ermitage Outre les sites mentionnés ci-dessus, plus ou moins à Alès, Vié-Cioutat à Mons-et-Monteils, Villevieille étudiés et situés dans un contexte chronologique, un au-dessus de Sommières. Dans plusieurs cas, on peut grand nombre d'oppida repérés en surface reste à fouiller, expliquer ces résurgences par une position favorable sur à dater et à caractériser : citons par exemple, dans la une voie de communication terrestre ou fluviale, qui vallée du Gardon, les oppida du Castellas de Russan à redonne à ces sites un intérêt stratégique dans les nouvelles Sainte-Anastasie, du Paradasse de Clastres et du Paradasse conditions économiques et politiques induites par la de Raymonde à Collias, les deux enceintes de Labaume I colonisation. L’Ermitage d’Alès, créé à cette époque à et II à Serviers-et-Labaume près d'Uzès, l’oppidum de l’entrée d’une voie transcévenole vers l’Auvergne et le Suzon, dans le massif du Mont Bouquet. Ces gisements Centre de la Gaule par laquelle transite un commerce du vin tout juste entrevus mériteraient des recherches approfon- italien, en est un exemple caractéristique. dies : ils peuvent constituer, si l'on sait les protéger des aménageurs et des fouilleurs clandestins, de Le réseau des oppida du Gard et son évolution durant près précieuses réserves pour les recherches à venir sur les d'un millénaire ne résultent donc pas d'une construction oppida du Gard. théorique, pas plus qu'il ne s'explique par des contingences strictement géographiques : il s'agit avant tout d'un réseau Pour en savoir plus… historique, dans le sens qu'il dépend intimement de l'histoire des sociétés de ce temps, de leurs héritages B. Dedet et M. Py, Introduction à l'étude de la Protohistoire culturels, de leur économie, de leur fonctionnement propre, en Languedoc oriental, ARALO, cahier n°5, Caveirac, 1976. des rapports qu'elles entretinrent avec leur territoire de vie M. Py, Culture, économie et société protohistoriques dans la et avec leurs voisins, des hiérarchies qui au cours du temps région nîmoise, Collection de l’Ecole Française de Rome, s'élaborent entre elles. De ce point de vue on distinguera 131, Rome-Paris, 1990, 2 vol. assez nettement les premières phases, au Bronze final et au M. Py, Les Gaulois du Midi, de la fin de l'Age du Bronze à Ier âge du Fer, où un habitat peu durable, dispersé en la conquête romaine, collection "La mémoire du temps", communautés de petite taille, laisse imaginer une situation Hachette, Paris, 1993, 288 p., 51 fig. 21 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 22 Zone d'implantation de l'oppidum de Nîmes établi sur les pentes méridionales du Mont Cavalier et de la ville basse s'étendant jusqu'à la Maison Carrée et à la place Jules Guesde (d'après Monteil 1999). 22 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 23 L’oppidum de Nîmes L ’habitat protohistorique de Nîmes (ΝΑΜΑΥΣΟΣ/Nemausus), qui fut certainement au deuxième âge du Fer le plus important du Gard, est paradoxalement aussi l’un des moins bien connus. Les travaux du début du XXe siècle qui s’intéressèrent au passé préromain de la ville apportèrent beaucoup de confusion en attribuant à cette époque toute une série "d’enceintes gauloises" qui pour la plupart n’étaient que des enclos agricoles médiévaux ou modernes. Les recherches de ces dernières années ont montré que l’agglomération préromaine s’étendait principalement autour de la source de La Fontaine, au sommet et sur les pentes méridionales du Mont Cavalier d’une part, et assez loin en plaine vers le sud d’autre part. Aucun habitat groupé n’est connu, sur le site de Nîmes antique, avant la fin du VIe siècle av. n. è. Seule est signalée, pour une phase ancienne de la Protohistoire, la découverte isolée d’une fibule du VIIe siècle au quartier du Fort. C’est à la fin du VIe siècle et au cours du Ve siècle qu’un premier habitat, fait de maisons construites en matériaux légers sur poteaux porteurs, s’installe près de la source (terrasses avec murs de soutènement de Villa Roma), sur la 23 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:31 Page 24 Vue aérienne du site de l'oppidum de Nîmes, prise du sud, avec indication des principales zones de découvertes préromaines (1 : Tour Magne ; 2 : terrasse du Mas Rouge ; 3 : source de la Fontaine ; 4 : Villa Roma ; 5 : Canteduc ; 6 : avenue Franklin Roosevelt ; 7 : Maison Protestante ; 8 : rue Pasteur ; école Jean Jaurès ; 10 : place Jules Guesde ; 11 : Médiathèque ; 12 : Maison Carrée ; 13 : Fontaine des Bénédictins ; 14 : les Hespérides ; 15 : les Villégiales des Bénédictins). Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 25 face méridionale du Mont Cavalier (terrasse du Mas Rouge), à sa base sud-ouest (avenue Roosevelt, Maison Protestante) et sud-est (fouilles de la Fontaine des Bénédictins, des Hespérides et des Villégiales) et assez loin vers le sud jusqu’à la place Jules Guesde. Les restes observés cependant sont très dispersés et pourraient correspondre à un ensemble de hameaux séparés par des aires cultivées. À la fin du Ve et au IVe siècle av. n. è., des maisons avec des murs en pierre remplacent les cabanes de bois et de torchis sur le Mont Cavalier. Une première enceinte est alors construite : en témoignent la nervure centrale de la courtine et un bastion quadrangulaire repérés en fondation au centre du blocage préromain de la Tour Magne. Au cours du IVe siècle, l’habitat connaît semble-t-il une phase d’extension : vers le nord-est d’une part (quartier de la Révolution), comme l’indiquent les découvertes anciennes de la rue Ménard et les fouilles récentes de la rue Pasteur ; vers le sud d’autre part, comme le montre un sondage à l’angle de la rue Saint-Laurent et du boulevard Jean Jaurès, où l’on a rencontré deux salles contiguës dont les murs bâtis en pierre déterminaient un axe d’urbanisme de même orientation que les constructions romaines et modernes qui les surmontaient. Le début du IIIe siècle est mal connu, aussi bien sur la hauteur qu’en plaine. Mais la fin de ce siècle et le suivant sont marqués par une nouvelle phase d’extension et de reconstruction. C’est de cette époque sans doute que date l’édification de la tour monumentale en pierre sèche à plan ovale qu’englobera plus tard la maçonnerie augustéenne de la Tour Magne ; à l’ouest, le quartier de Canteduc est densément occupé ; au sud, rue Saint-Laurent, les habitations précédentes sont reconstruites selon les mêmes axes ; au sud-est, la ville s’étend au moins jusque dans le secteur de la Médiathèque, où l’on a retrouvé les restes d’un quartier de la fin du IIIe siècle fait de cases contiguës, et à l’est jusqu’aux abords du quartier du Fort. Un fossé profond bordé par un mur étroit, dont un tronçon a Restitution de la Tour Magne préromaine vue depuis l'intérieur de l'enceinte (état des IIIe-IIe s. av. n. è., d'après un dessin de J. Varène). été observé place Jules Guesde, servait apparemment de limite méridionale à la cité dont la surface occupait, de manière discontinue cependant, une vingtaine d’hectares. Le gain de l’agglomération vers les terres basses se poursuit à la fin du IIe et au Ier siècle av. n. è., période pour laquelle des trouvailles sporadiques montrent une présence plus loin vers le sud (rue Benoît Malon, place Questel). Sous la Médiathèque, les fouilles ont montré un remaniement des habitations précédemment installées, avec création d’une rue empierrée séparant plusieurs îlots ; au-delà du boulevard Victor Hugo, près de la Maison Carrée, plusieurs quartiers sont urbanisés. À cette époque, l’habitat de hauteur du Mont Cavalier semble cependant moins fortement occupé qu’auparavant (mais aucune fouille d’envergure n’y a été menée et les remaniements consécutifs à la création de l’Augusteum à l’époque romaine et des Jardins de la Fontaine au XVIIIe s. ont pu faire disparaître bien des choses). À l’entrée occidentale du 25 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 26 Fouilles en bordure de l'esplanade de la Maison Carrée, faisant apparaître des quartiers d'habitation des IIe-Ier s. av. n. è. (cliché M. Célié). 26 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 27 Jardin de la Fontaine, non loin de la source, une grande salle à portique du Ier siècle av. n. è., de construction soignée, a été dégagée (puis réenfouie) : il s’agissait à l’évidence d’un bâtiment public, mais sa destination exacte (religieuse ? civique ?) n’a pu être déterminée par la fouille. L’urbanisation romaine précoce (milieu du Ier siècle av. n. è.), puis la construction de l’enceinte augustéenne consacreront le déplacement de la ville vers la plaine, qui apparaît aujourd’hui avoir été largement amorcé au cours du IIe âge du Fer. Ce que l’on savait de Nîmes préromaine, par les textes antiques, l’épigraphie et la numismatique, indiquait bien l’importance régionale de cette cité. Mais jusqu’à un passé récent, l’archéologie ne pouvait apporter que des témoignages très partiels de ce rôle particulier. Les découvertes effectuées ces dernières années sous la ville moderne ont sensiblement renouvelé le point de vue que l’on pouvait avoir sur l’extension de l’habitat au cours du IIe âge du Fer, et montré que dès le IVe, voire le Ve siècle av. n. è., l’agglomération nîmoise avait sans doute des dimensions sensiblement supérieures à celles des habitats contemporains de la région. Cependant de nombreuses incertitudes subsistent : sur la structure et les orientations de l’urbanisme aux différentes époques de la Protohistoire et ce qu’a pu fossiliser la cadastration urbaine actuelle ; sur le tracé et les éventuelles extensions de l’enceinte préromaine, dont on ne connaît réellement qu’un minuscule tronçon au sommet du Mont Cavalier (sa mise en relation avec le fossé de la Place Jules Guesde reste pour l’heure une hypothèse fragile) ; sur la répartition des zones d’habitat et des zones publiques, notamment autour du sanctuaire de la source de la Fontaine (dont la parure monumentale n’est attestée qu’à partir de l’extrême fin de l’âge du Fer) ; ou encore sur l’articulation de l’habitat indigène et de la ville romaine qui lui succède. Les données ponctuelles dont nous disposons, qu’on pourrait assimiler à quelques pièces dispersées Vue générale du chantier de la place Jules Guesdes prise du nord, avec au premier plan des structures d'habitat préromaines (IIIe-IIe s. av. n. è.) (cliché M. Célié). d’un vaste puzzle, risquent pour longtemps encore de ne permettre qu’une approche très partielle de ces questions. Pour en savoir plus… M. Py, Recherches sur Nimes préromaine, habitats et sépultures, Gallia, sup.41, Paris, 1981. M. Monteil, Nimes antique et sa proche campagne, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 3, Lattes, 1999. 27 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 28 Vue aérienne de l'oppidum des Castels, prise du nord-est (cliché L. Monguilan). 28 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 29 L'oppidum des Castels L es fouilles qui ont été menées sur l'oppidum des Castels, à Nages-et-Solorgues, de 1958 à 1981, constituent la source d'information la plus abondante sur le IIe âge du Fer du Gard. L'oppidum prend place sur une colline peu élevée, d'une altitude maximale de 160 m, située en bordure de la plaine de la Vaunage, et fréquentée précédemment au Chalcolithique. L'habitat préromain y débute au IIIe siècle ; sa création a été mise en relation avec l'abandon de l'oppidum voisin de Roque de Viou, alors déserté ; cependant cette hypothèse a été récemment contestée au profit d'une plus grande indépendance de l'histoire des deux sites. On connaît en effet mal la première étape de l'habitat (Nages I : vers 300-250 av. n. è.) dont les restes se retrouvent épars sous les aménagements ultérieurs. On a attribué à cette époque un rempart à plan grossièrement rectangulaire (enceinte 1), qui pose cependant encore de nombreuses questions de topographie et d'interprétation. À l’intérieur, on a rencontré des bribes de sols avec des foyers et des céramiques culinaires qui pourraient correspondre, plutôt qu'aux restes d'une première ville, aux traces laissées par les constructeurs de la cité de Nages II dont l'édification a pu 29 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 30 Plan de l'oppidum des Castels avec indication des enceintes successives (1-5) et des différents quartiers de fouille (A-L) (dessin M. Py). 30 Vue aérienne de l'angle nord-ouest de l'enceinte 2 édifiée au milieu du IIIe s. av. n. è. (cliché L. Monguilan). Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:39 Page 31 Tour d'angle monumentale à double parement de l'enceinte 2 de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.), englobée dans des constructions postérieures (cliché M. Py). représenter un chantier considérable s'étendant sur plusieurs années. La deuxième phase (Nages II ancien : vers 250-175 av. n. è.) est marquée par la création d'un puissant rempart (enceinte 2) englobant un habitat dont le plan est très régulier (quartier A, premier état). Des fouilles étendues ont concerné l'angle nord-ouest de cette fortification. La courtine est faite d'un double mur construit d'un seul jet, renforcé par un fossé et un avant-mur dans le secteur L. L'angle nord-ouest est muni d'une tour monumentale à double épaisseur, de chaque côté de laquelle se répartissent tous les 15 mètres environ des tours ordinaires semi-ovales. Un escalier permet d'accéder à un chemin de ronde au sommet de la courtine derrière la tour monumentale à partir de la place du Refend sud. Ce rempart a été repéré assez bas sur le flanc est de la colline : il se peut qu'il ait englobé la source de Nages, comme l'indiquerait un tronçon de muraille engagé sous les réservoirs d'époque romaine proches du point d'eau. C'est dans ce secteur qu'a été trouvé le célèbre linteau de Nages, orné de têtes coupées et de chevaux en bas-relief, et qui a pu appartenir soit à un sanctuaire de source, soit à une porte du rempart. À l'intérieur de cette enceinte, mais suivant une direction indépendante de celle des courtines (en fait le sens de la pente dominante du terrain), l'habitat se répartit en îlots de même module. Les quartiers sont très allongés, parallèles entre eux et séparés par de larges rues, reliées seulement, dans la partie fouillée, par une voie de circulation ménagée le long d'une rangée de cases bâties contre le parement intérieur de la fortification. Dans chaque îlot, les 31 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:40 Page 32 Tours S1 de l'enceinte 2 de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.) conservée sur une hauteur de 4 mètres (cliché M. Py). 32 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:40 Page 33 habitations sont elles-mêmes de forme et de taille semblables : des maisons à une pièce rectangulaire, accolées bout à bout par leur petit côté, et probablement munies d'une cour en bordure de rue. Cet habitat, fondé au milieu du IIIe siècle av. n. è. reste en usage jusqu'au début du IIe siècle ; il donne l'impression d'une étonnante uniformité. Le mobilier de cette époque, qui provient essentiellement de grands dépotoirs, est dominé par une poterie non tournée (urnes, coupes, jattes et couvercles) qui se place dans la tradition régionale et relève du faciès "rhodanien", culture caractérisant les deux rives du Rhône. La preuve de sa fabrication locale est apportée par plusieurs fours de potier retrouvés à l'extérieur de l'enceinte. Les céramiques étrangères sont minoritaires et se partagent entre produits de Marseille et vaisselle italique importée de Rome ou de Campanie. Le mobilier en métal (armes et parures) et en verre (bracelets) est ici comme ailleurs de typologie celtique. Les monnaies, encore très rares, viennent toutes de Marseille. La troisième phase (Nages II récent : vers 175-100 av. n. è.) voit par étapes un agrandissement considérable de la surface de l'oppidum. Dans un premier temps (deuxième quart du IIe siècle), on assiste à la fois à un remodelage de l'ancien quartier (secteur A) et à une extension de l'habitat vers l'ouest (secteurs L et D). Dans le secteur A, les îlots de la ville de Nages II ancien sont doublés en largeur par ajout devant les cases primitives d'une ou deux pièces incluant dans le bâti la zone extérieure privative attribuée à chaque lot durant l'époque précédente. Cet élargissement se fait d'un coup, avec une coordination et une régularité égales à celles qui avaient présidé à la création des îlots, les rues étant exactement divisées par deux en largeur et les nouvelles façades parfaitement alignées. Une certaine diversité règne par contre désormais dans l'organisation interne des habitations, dont le plan n'a plus le caractère Série de tours ordinaires régulièrement espacées sur la face nord-est de l'enceinte 2 de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.) (cliché M. Py). uniforme des cases antérieures, mais qui réunissent désormais plusieurs pièces aux fonctions différentiées. L'extension de l'oppidum vers l'ouest est contemporaine de ces faits (vers 175 av. n. è.). Elle est concrétisée par la création de l'enceinte 3, sur le flanc ouest de la colline : puissant mur double, dessinant un angle arrondi au nordouest, doublé d'un avant-mur au sud-ouest et rejoignant l'une des tours de l'angle du rempart antérieur. Cette nouvelle fortification protège des îlots d'habitation orthonormés et alignés à la courtine de l'enceinte 2 (secteur L). Le tissu urbain est ici plus aéré que dans le "vieux quartier", et les maisons, dont certaines sont dès l'origine à plusieurs pièces, plus spacieuses. Plusieurs tours sont arasées, totalement ou à moitié, pour appuyer des maisons au rempart englobé ; des drains et des caniveaux protègent les habitations des infiltrations. Dans un second temps, vers 125 av. n. è., la ville est à nouveau agrandie, cette fois vers le nord. C'est la création de l'enceinte 4, qui s'appuie à l'ouest sur l'angle de l'enceinte 3, et vient reprendre à l'est, en la doublant, la face orientale de l'enceinte 1. L'angle nord-ouest de cette nouvelle enceinte, où aboutissait le chemin d'accès principal (dit "chemin des collines", traversant l'ancien 33 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:40 Page 34 Plan des quartiers centraux de l'oppidum des Castels faisant apparaître les différentes phases de construction (dessin M. Py). 34 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:40 Page 35 oppidum de Roque de Viou), est renforcé par trois puissantes tours, protégeant chacune une porte étroite. Trois autres poternes de même largeur, mais sans renfort particulier, sont connues sur la face nord, à l'angle nord-est et sur la face est. La courtine est faite d'un mur central doublé à l'extérieur par un mur épais et à l'intérieur par un parement plus mince. Plusieurs quartiers d'habitat contemporains de l'enceinte 4 ont été fouillés au centre de l'oppidum. On a montré notamment que la rue principale du secteur L avait alors été prolongée vers le nord et qu'elle épousait ensuite la forme de la tour monumentale E1, pour venir dans le secteur J parallèlement à la face nord de l'enceinte 2, alors totalement englobée et en partie ruinée. Des maisons sont construites dans les secteurs J et K, formant un urbanisme régulier. Les dépotoirs accumulés contre l'enceinte 2 sont contenus par des soutènements bâtis. Mais la trame de l'habitat est assez lâche et les aires non construites sont courantes. Le mobilier du IIe siècle est peu différent de celui de la phase antérieure : céramiques non tournées prépondérantes, aux formes témoignant d'une grande stabilité, proportion faible quoiqu'en augmentation de la vaisselle achetée à l'extérieur, parures en bronze et en verre et armes en fer de type celtique. Les principaux changements consistent dans la progression très nette des importations d'Italie (amphores gréco-italiques et vases campaniens A) et dans une certaine diversification des approvisionnements (vases ibériques et régionaux, premières monnaies locales), signant le déclin du monopole de Marseille sur les échanges de cette zone. Le Ier siècle av. n. è. est, sur l'oppidum des Castels, globalement une phase de récession. Dès le début du siècle (Nages III ancien : vers 100-70 av. n. è.), certaines maisons, en pleine ville, sont abandonnées et leur emplacement utilisé comme aire de rebut. Des espaces libres ne seront Vue du quartier A de l'oppidum des Castels, construit au milieu du IIIe s. av. n. è. et remodelé au début du IIe s. (cliché M. Py). Maisons du quartier A de l'oppidum des Castels, le long de la rue XI-XII (milieu IIIeIer s. av. n. è.) (cliché M. Py). jamais bâtis. Cette période, et la suivante (Nages III moyen : vers 70-30 av. n. è.), ne connaissent en fait que peu de constructions nouvelles : tout juste une petite habitation du secteur J, un bâtiment public dans le secteur A et une maison à plusieurs pièces contiguë à ce dernier. Le bâtiment public dont il est question a été interprété, avec raison sans doute, comme un fanum, c’est-à-dire un petit temple de type celtique, en se fondant notamment sur son plan fait de deux quadrilatères imbriqués. Mais d'autres aspects de cet édifice témoignent d'influences 35 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 20:40 Page 36 Parements et poterne de l'enceinte 4 sur le flanc oriental de l'oppidum des Castels (deuxième moitié du IIe s. av. n. è.) (cliché M. Py). Maison à plusieurs pièces du quartier L de l'oppidum des Castels (IIe-Ier s. av. n. è.), construite à l'extérieur de l'enceinte 2, contre la tour S1 (cliché M. Py). 36 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 37 méditerranéennes : ainsi, l'un des côtés de la cella (salle centrale) et la façade étaient munis d'une colonnade de pilastres monolithes aux angles chanfreinés, un bloc mouluré appartenait sans doute à un cloisonnement interne et le toit, soutenu par une puissante charpente en sapin, était couvert de tuiles plates et rondes (tegulae et imbrices) à la mode romaine. Les autres transformations observées dans l'architecture consistent principalement dans la réutilisation des structures du IIe siècle, moyennant quelques aménagements de détail qui affectent l'organisation des bâtiments, avec une tendance à la division de l'espace intérieur et à la spécialisation de certaines pièces (greniers, ateliers artisanaux, boutiques). Le déclin de la cité s'accentue vers 30-20 av. n. è. lorsque les quartiers les plus récemment créés sont abandonnés et bientôt ruinés, l'habitat se resserrant autour du fanum dans le secteur A (Nages III final, 30 av./10 de n. è.). Toute vie cesse sur l'oppidum dans les premières années de notre ère, quand le fanum est brutalement incendié. Seul subsiste au sommet de la tour monumentale E1 un petit culte de hauteur jusque vers 20-40 de n. è. Le mobilier illustrant la dernière période de l'occupation protohistorique témoigne à Nages d'un double phénomène : c'est d'une part un renouvellement sensible de l'équipement matériel, marqué par l'évolution rapide des productions traditionnelles (céramiques locales finies au tour), un fort développement du commerce italien, mais aussi des fabriques régionales et de l'économie monétaire, conséquences d'une évolution des modes de production et de diffusion, où l'artisanat spécialisé et la circulation élargie des objets font éclater l'autarcie du système domestique. Mais c'est aussi d'autre part un décalage qui s'accentue entre l'oppidum indigène, préservant dans de nombreux domaines les héritages du passé, avec la colonie voisine de Nîmes où les signes de romanisation sont Mobilier caractéristique de la phase II de l'oppidum des Castels (IIe s. av. n. è.) : céramiques non tournées locales (urnes, jattes, couvercle), vase-balustre d'origine celtique, bols campaniens, chenet en terre cuite (clichés M. Py). beaucoup plus tangibles. Signalons pour mémoire que le site des Castels sera ponctuellement réoccupé sous l'effet d'une menace pressante, au milieu du IIIe siècle de n. è. (Nages IV). Un dernier rempart sera construit dans le quart nord-ouest de l'oppidum préromain (enceinte 5), protégeant des maisons en pierre sèche hâtivement bâties et habitées peu de temps. La découverte d'un petit trésor monétaire dans l'une de ces habitations a permis de mettre cette courte réoccupation de la hauteur en relation avec l'invasion des Alamans en 259/260 de n. è. L'oppidum des Castels fournit un exemple particulièrement clair des caractères et des étapes du développement d'une agglomération de la fin de la Protohistoire, pour deux raisons : d'une part le site n'a été que très partiellement réoccupé après cette époque, et l'état préromain est bien 37 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 38 Restitution du quartier L de l'oppidum des Castels construit au milieu du IIe s. av. n. è. à l'extérieur de l'enceinte 2 et habité jusqu'au milieu du Ier s. av. n. è. (d'après un dessin d'A. Michelozzi). 38 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 39 Le fanum (petit temple) de l'oppidum des Castels vu du sud : cella centrale entourée d'un péribole, Ier s. av. n. è. (cliché M. Py). conservé ; d'autre part, l'histoire de l'architecture s'inscrit sur le terrain en stratigraphie horizontale, le périmètre urbain ayant été plusieurs fois agrandi, ce qui permet de lire aisément les grandes lignes des structures plus anciennes. Ainsi peut-on étudier quatre enceintes, réparties dans le temps entre le début du IIIe siècle et la fin du IIe siècle av. n. è., et plusieurs quartiers de fondation successive (milieu IIIe, début IIe, milieu IIe siècle), à travers lesquels transparaît l'évolution de la conception de la maison, de l'urbanisme et de la fortification. Ce résumé de l'histoire de l'oppidum ne donne en fait qu'une mince idée de l'apport considérable de ces fouilles à la connaissance typologique et ethnographique de l'habitat. Certes, cette histoire a été sans heurts : aucun incendie, sinon ponctuel, n'est venu figer les documents à leur place originelle. L'entretien poussé des sols, d'où résultent de nombreux dépotoirs, prive de beaucoup d'éléments d'appréciation sur l'utilisation quotidienne des lieux domestiques. Cependant cette indigence dans le détail est compensée par le nombre des observations dans le domaine de l'habitat privé, mais aussi dans les aménagements à caractère collectif, et donc par la possibilité de recouper l'information à divers niveaux. Cette abondance, et la clarté d'une stratigraphie parfois très fine (notamment dans les dépotoirs), permettent enfin une approche détaillée de la culture matérielle des IIIe-Ier siècles précédant notre ère. Pour en savoir plus… M. Py, L'oppidum des Castels à Nages, Gard, fouilles 19681974, Gallia, sup. 35, Paris, 1978, 363 p., 148 fig. M. Py, Les Castels, oppidum de Nages, ARALO, Guide n°2, Caveirac, 1980, 48 p., 44 fig., 2 pl. hors texte. 39 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 40 Vue aérienne de l'oppidum de Roque de Viou prise du nord ; au second plan, on aperçoit les fortifications de l'oppidum voisin des Castels à Nages (cliché L. Monguilan). 40 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 41 L'oppidum de Roque de Viou L 'oppidum de Roque de Viou, voisin de celui des Castels à Nages, occupe un plateau calcaire dominant la plaine de la Vaunage, sur la commune de Saint-Dionisy. Découvert au début du XXe siècle, il a fait l'objet de fouilles programmées de 1968 à 1975. Le site a connu dans l'Antiquité trois occupations. La première, à la fin de l'âge du Bronze (période du Bronze final IIIb, IXe siècle av. n. è.), a été dénommée Roque de Viou I. La seconde, qui couvre la deuxième moitié du IVe siècle av. n. è., a pu être divisée en deux temps : phase II ancien (de 350 à 325 environ) et phase II récent (de 325 à 300 environ). La troisième occupation appartient au début de l'époque romaine (de 25 av. n. è. à 50 de n. è. environ) et reste très limitée dans l'espace. L'habitat du Bronze final couvre l'ensemble du plateau et la partie supérieure des pentes ouest et sud. Il ne semble pas avoir été protégé par un rempart, du moins en pierres. Des traces d'habitations ont été repérées dans tous les secteurs explorés, ce qui laisse penser que le village était très étendu (on estime sa surface à plus de 6 hectares). Il s'agit dans tous 41 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 42 Plan de l'oppidum de Roque de Viou : alignement de cabanes du Bronze final (E), rempart (A, D, G) et habitations (B, C, F) du IVe s. av. n. è. (dessin M. Py). Rocher calcaire entaillé à l'emplacement d'une habitation du Bronze final IIIb (IXe s. av. n. è.) dans le secteur E de l'oppidum de Roque de Viou (cliché M. Py). 42 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 43 les cas de cabanes en matériaux périssables, sur poteaux porteurs, dont nous reste le fond généralement entaillé dans le rocher calcaire. Les sols sont établis soit à même le substrat, soit sur un remblai de pierraille ; on y rencontre des foyers en lentilles de charbons ou en plaques d'argile. Les calages de poteau sont rares. Le mobilier de cette époque appartient au faciès "mailhacien I" du Languedoc (dénommé d'après le site éponyme de Mailhac, dans l'Aude), caractérisé par une abondante céramique non tournée souvent ornée de motifs incisés au double trait. Le mobilier métallique, uniquement en bronze, est rare. Les restes de faune retrouvés sur les sols des habitations témoignent de l'importance de l'élevage dans l'économie et de pratiques de chasse actives, concernant notamment le gros gibier (cerf et sanglier). La deuxième occupation (Roque de Viou II) se superpose à Céramiques non tournées de faciès "mailhacien I" (IXe s. av. n. è.) recueillies sur l'oppidum de Roque de Viou (clichés M. Py). l'habitat du Bronze final sur le même emplacement et sur remblai, munis de foyers d'argile et parfois entourés de une surface à peu près égale. Mais dès l'abord, ce nouveau banquettes de pierre. village est muni d'un rempart en pierre sèche. Cette Plusieurs modifications interviennent lors de la phase II fortification protège la face ouest du site, à l'endroit où les récent, à la fin du IVe siècle. La courtine du rempart est par pentes sont les plus faibles, et se referme en tenaille au nord endroits doublée en largeur (notamment dans le secteur de et au sud pour rejoindre les fortes déclivités qui dominent la porte charretière), de telle sorte qu'on obtient un mur la plaine de la Vaunage et servent de ce côté de défense double, l'ancien parement noyé dans le blocage jouant dès naturelle. Dans son premier état, le rempart est fait d'un lors le rôle de chaînage interne. Des dépotoirs s'accumulent mur simple. L'entrée principale est au nord ; elle est ren- contre ce nouveau mur. forcée par deux bastions et par deux tours rectangulaires L'habitat est également transformé. De nouvelles maisons à situées à l'arrivée de la voie d'accès. On a fouillé deux pièce unique sont construites, soit contre la face intérieure petites carrières en liaison avec cette construction. du rempart, soit à l'intérieur de l'enceinte. Mais dans Dans l'enceinte sont bâties des habitations en pierre. À ce d'autres cas, un cloisonnement ou un ajout conduit à la stade, la trame de l'habitat ne semble pas encore très mise en place de maisons à plusieurs pièces. On a peu d'idée serrée, de nombreux espaces libres subsistent. Les fouilles sur le plan d'urbanisme à cause de l'exiguïté des fouilles, ont fourni des exemples de maisons quadrangulaires à une mais des alignements visibles en surface laissent entrevoir pièce, à l'intérieur desquelles les sols sont aménagés par une certaine régularité dans la disposition des quartiers. 43 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 44 Restitution d'une cabane du Bronze final IIIb de l'oppidum de Roque de Viou (dessin M. Py). Vue aérienne de l'extrémité nord de la fortification de Roque de Viou II (deuxième moitié du IVe s. av. n. è.) avec tours rectangulaires, porte charretière et bastion (cliché L. Monguilan). 44 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 45 Une des tours rectangulaires de l'enceinte de Roque de Viou II, construite vers 350 av. n. è. (cliché M. Py, pris de l'est). À noter l'établissement d'une maison hors les murs, devant de vases achetés à l'extérieur (coupes à boire, cruches, l'une des tours du rempart, le long du chemin d'accès à amphores à vin) illustrent des relations commerciales l'oppidum. Les sols des maisons de la fin du IVe siècle sont principalement avec Marseille. Des monnaies d'argent en général en terre battue. Les banquettes de pierre courant (oboles) sont également d'origine massaliète, tandis que le le long des murs sont fréquentes. Des restes de toits mobilier métallique (ustensiles en fer, parures en bronze) effondrés indiquent une couverture de terre sur branchages. reste peu fréquent. Plusieurs exemples de foyers d'argile décorés ont été Vers 300 av. n. è., le village est déserté, apparemment de observés. manière paisible. On a supposé que les habitants se On trouve dans les maisons et les dépotoirs de Roque de transportaient alors sur l'oppidum de Nages voisin, dont Viou II de nombreuses céramiques non tournées de l'occupation débute à cette époque, mais cette hypothèse a production locale (urnes, coupes, jattes, couvercles) qui été discutée. désormais se rattachent à un "faciès rhodanien" commun La colline ne sera pas réoccupée en tant qu'habitat. avec la Provence occidentale. À leur côté, un petit nombre Cependant, à la fin du Ier siècle av. n. è., un petit groupe de 45 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:38 Page 46 Habitations en pierres de Roque de Viou II (deuxième moitié du IVe s. av. n. è.) dans le quartier F de l'oppidum (cliché M. Py). 46 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:39 Page 47 bâtiments isolés, qu'on interprète comme un sanctuaire rustique et ses dépendances, sera implanté contre la fortification de l'âge du Fer. Cet édifice restera en usage jusque vers le milieu du Ier siècle de n. è. Le site de Roque de Viou est à bien des égards exemplaire : c'est le plus vaste habitat du Bronze final du Languedoc oriental, et aussi le plus important gisement du IVe siècle av. n. è. Pour la première période, il offre la possibilité d'appréhender la topographie d'un village fait de cabanes précaires, dispersées sur un vaste plateau, et de poser le problème du statut d'une telle agglomération. La fouille de plusieurs cabanes dont les structures de bases sont conservées, outre les renseignements qu'elle apporte sur le mobilier, permet de définir mieux que partout ailleurs les caractères de Céramiques de la phase II de l'oppidum de Roque de Viou (deuxième moitié du IVe s. av. n. è.) : urne "rhodanienne" provenant le la région de l'étang de Berre, coupe et couvercle non tournés locaux, céramique grecque d'Occident (clichés M. Py). l'habitation de cette époque, son plan et son utilisation. Enfin, l'existence d'une stratigraphie à l'intérieur du Bronze Enfin, la découverte d'un édifice public, probablement final IIIb a introduit la notion de durée dans l'étude de cette religieux, isolé de tout contexte urbain et bâti à l'époque phase. augustéenne contre le rempart protohistorique, offre L'oppidum de Roque de Viou II, quant à lui, concerne l'exemple d'une permanence de structures et partant de une période encore peu attestée sur les autres gisements mentalités indigènes, en pleine période de romanisation. du Languedoc oriental : le fait que les lieux n'aient pas été réoccupés par la suite, si ce n'est ponctuellement, a Pour en savoir plus… permis que se conserve intacte l'organisation d'une cité bâtie en pierre parmi les plus anciennes de la région. Aussi, la P. Garmy, Cinq ans de recherches sur l'oppidum de Roque documentation recueillie sur les maisons est-elle précieuse de Viou, Revue Archéologique de Narbonnaise, 7, 1974, pour aborder la question de la mise en place de l'urbanisme p.1-24. indigène qui se développera dans les siècles suivants. P. Garmy et M. Py, Deux cabanes stratifiées de l'Age du Il en va de même pour les fortifications : celle de Roque de Bronze final IIIb sur l'oppidum de Roque de Viou à Saint- Viou II, dont le plan est connu en entier, et dont une Dionisy, Gard, Gallia Préhistoire, 19, 1976, p.239-264. portion notable a été dégagée, constitue un maillon P. Garmy et M. Py, Nouvelles données sur l'oppidum de essentiel pour l'étude de l'évolution des ouvrages défensifs Roque de Viou (Gard), fouilles 1972-1975, Bulletin de entre le Ve et le IIe siècle av. n. è. l'Ecole Antique de Nîmes, 15, 1980, p.27-90. 47 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:39 Page 48 L'oppidum de La Liquière à Calvisson, vu de la plaine de la Vaunage (cliché M. Py). 48 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:47 Page 49 L'oppidum de La Liquière L e village perché de La Liquière, sur la commune de Calvisson, date du Ier Age du Fer. Il se situe au nord d'un vaste plateau dominant la plaine de la Vaunage, à l'aplomb du hameau de Sinsans, non loin de la source des Demoiselles. On évalue sa surface entre 1 et 2 ha ; rien n'indique une quelconque fortification. Identifié au début du XXe siècle, il a fait l'objet de fouilles programmées entre 1967 et 1974. L'intérêt du site réside dans le fait qu'il a été habité durant une période relativement courte, entre la fin du VIIe et la fin du VIe siècle avant notre ère, et peu fréquenté ensuite (tout juste y repère-t-on quelques traces d'époque romaine). La stratigraphie comparée des habitations et des zones de passage ou d'activité extérieures a permis de distinguer plusieurs phases au cours de l'occupation protohistorique. La première période couvre les dernières décennies du VIIe siècle. Elle voit la construction d'habitations sur poteaux porteurs dans des dépressions aménagées dans le substrat rocheux. Cette taille est conditionnée par la direction des 49 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 50 Répartition des cabanes fouillées sur l'oppidum de La Liquière en bordure de plateau (d'après un relevé de J. Gauthey). Restes de la cabane L3 de l'oppidum de La Liquière (fin VIIe-milieu VIe s.), dominant la plaine de la Vaunage (cliché P. Sauzet). 50 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 51 strates du calcaire, ce qui explique le contour assez irrégulier de ces premières maisons dont le plan se rapproche tantôt d'un rectangle, tantôt d'un ovale. Une petite construction à plan circulaire est par ailleurs munie d'un muret de soutien extérieur. L'élévation des parois, ici comme dans la suite, devait être construite en torchis sur armature de poutrage et de clayonnage. Plusieurs trous de poteau ont été observés sur le pourtour des habitations, notamment dans les angles et près des ouvertures. Le sol de ces cabanes, sur lequel on retrouve des foyers lenticulaires et des amas de cendres et de tessons, était établi soit à même le rocher aplani, soit sur des remblais d'argile et de cailloutis lorsque le substrat était irrégulier. Une deuxième étape s'inscrit dans le premier tiers du VIe siècle. Le sol de plusieurs habitations précédentes est refait radier de pierres. Certaines cabanes sont agrandies à cette Mobilier caractéristique de l'oppidum de La Liquière (fin VIIe-milieu VIe s.) : vases non tournés locaux, céramique à décor excisé, coupe à anses grise monochrome, amphore étrusque (clichés M. Py). occasion, mais d'autres s'inscrivent dans les mêmes limites calage pour les parois de torchis à l'instar du rôle que que précédemment. Quelques unes sont abandonnées et jouaient précédemment les sautes rocheuses. Les foyers leur emplacement sert de dépotoir. On trouve à cette sont du même type, lenticulaires ou construits; dans un cas, époque, à côté des foyers lenticulaires, des exemples de le foyer d'argile, en position centrale dans l'habitation, est foyers construits en argile. Entre les habitations, des zones entouré de quatre poteaux qui devaient soutenir l'armature extérieures livrent des restes témoignant d'activités très d'une ouverture dans le toit. On a également pour cette diverses à l'entour des aires couvertes. époque de meilleurs renseignements sur l'utilisation des La troisième étape distinguée par la stratigraphie est espaces extérieurs : zones de rebut, zones d'activité datée du deuxième tiers du VIe siècle. A cette époque, la domestique, zones de travail métallurgique, probablement plupart des fonds de cabane anciens sont comblés, et les du bronze, avec four entouré de pierres. habitations qui s'y surimposent sont souvent un peu plus L'ultime phase d'occupation du Ier âge du Fer est moins grandes. Leur forme reste cependant semblable, soit bien connue : il n'en reste que des témoins épars. Ceux-ci grossièrement rectangulaire, soit ovalaire. On observe dans rendent compte d'une présence sur le site jusqu'aux plusieurs cas que des murets bâtis en pierre servent de environs de 500 av. n. è., mais les niveaux correspondants par étalement des sédiments anciens et établi parfois sur un 51 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 52 Sol primitif de la cabane L7 de l'oppidum de La Liquière (fin du VIIe s.) établi sur le rocher calcaire entaillé ; les flèches indiquent les calages de poteaux soutenant les parois de l'habitation (cliché M. Py). 52 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 53 ayant partout été détruits par l'érosion et la culture, on ne sait rien sur la densité et les caractères de l'habitat de cette époque. Les mobiliers de production locale, et notamment la céramique traditionnelle non tournée qui domine l'équipement domestique, se rattachent clairement au faciès "suspendien" du Languedoc oriental, et plus précisément aux phases récentes de cette culture : caractéristiques sont en ce sens la forme et l'ornementation des vases, et notamment les décors excisés. L'originalité majeure du site tient cependant à Restitution en coupe transversale de la cabane L11 de La Liquière (état du deuxième quart du VIe s.) (dessin M. Py). la présence, dans chaque maison, d'objets témoignant des comparaisons, précieuses notamment en ce qui concerne la premiers contacts des indigènes régionaux avec les commer- chronologie des contacts méditerranéens. Un mobilier çants méditerranéens. Durant la première phase, l'origine des abondant et assez bien conservé donne des productions produits est uniquement étrusque et concerne le commerce indigènes une image claire, et rend possible une bonne du vin : amphores pour le transporter, cruches pour le verser, définition du faciès culturel. Des unités domestiques assez canthares en "bucchero nero" pour le boire. Peu après, dans complètes et d'une lisibilité satisfaisante apportent sur la deuxième phase, alors que les Phocéens viennent de l'habitat une documentation abondante. La fouille de zones fonder Marseille (en 600 avant notre ère), apparaissent les extérieures (d'activité ou de rebut) permet d'aborder le premières céramiques grecques (corinthiennes, ioniennes, problème de l'utilisation de l'espace villageois. Enfin, les attiques, de Grande Grèce), tandis que la troisième phase, au renseignements recueillis sur les activités du groupe et sur milieu du VIe siècle, montre le développement des produc- les structures de production fournissent une contribution tions régionales de technologie grecque (vases à pâte claire et notable à l'étude du fonctionnement de la société du début gris monochromes). Malgré tout, jusqu'à la fin, ce sont les de l'âge du Fer. produits étrusques qui dominent les échanges, notamment en ce qui concerne les amphores et les objets en bronze (disques Pour en savoir plus… à bord perlé). La Liquière est actuellement le mieux documenté des M. Py, F. Py, P. Sauzet et C. Tendille, La Liquière, village du habitats du Ier âge du Fer du Gard : sur de nombreux Ier âge du Fer en Languedoc oriental, Revue Archéologique points, il constitue le site de référence pour l'étude de cette de Narbonnaise, supplément 11, Paris, 1984, 363 p. période dans cette région. Une stratigraphie solide, car M. Py, La Liquière (Calvisson, Gard), dans Les Étrusques en plusieurs fois vérifiée, permet de distinguer des phases France, archéologie et collections, catalogue d'exposition, courtes et successives, et d'opérer de ce fait de très fines Lattes, 2003, p.107-116. 53 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 54 Vue aérienne verticale de l'oppidum de Mauressip à Saint-Cômes-et-Maruéjols (© IGN Paris 2007). 54 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 55 L'oppidum de Mauressip L 'oppidum de Mauressip se situe sur la commune de Saint-Cômes-et-Maruéjols : c'est, des oppida de la Vaunage, celui qui a connu l'occupation la plus longue. Le gisement se compose d'un village de hauteur implanté sur une colline de forme ovale, entourée partout de fortes pentes, et d'un habitat de coteau à la périphérie ouest et sud de cette colline. Une abondante source (la Font de Robert) assurait l'approvisionnement en eau. Les fouilles menées à Mauressip de 1962 à 1974 ont concerné à la fois l'habitat de hauteur et l'extension en plaine dont l'étendue a été précisée par de récentes prospections. L'occupation protohistorique débute sur le sommet à l'orée du Ve siècle av. n. è. Pour cette première phase, on ne connaît que des restes d'habitations en matériaux légers : il s'agit de cabanes à poteaux porteurs, creusées dans le rocher calcaire. Ces habitations, dont le sol cendreux est marqué par des foyers et des calages de poteaux, ressemblent beaucoup à celles, légèrement antérieures, explorées sur 55 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 56 L'oppidum de Mauressip vu de la plaine de la Vaunage (cliché M. Py, pris du sud). La tour sommitale de l'oppidum de Mauressip : une tour carrée en pierres sèches locales, construite au IVe s., est chemisée au IIe s. par un parement de pierres tendres de style hellénistique (cliché F. Py, pris de l'est). 56 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 57 les sites voisins de La Liquière et de La Font du Coucou. Le mobilier est également semblable, avec des céramiques locales dans la tradition du Ier âge du Fer, des amphores vinaires étrusques et marseillaises et une série de disques en bronze à décor perlé d'origine étrusque comparables à ceux de La Liquière. C'est à la fin du Ve siècle que succède à ce village un habitat en dur. Les maisons sont dès lors construites en pierre (il n'y a pas trace d'emploi de briques crues) et s'organisent en quartiers séparés par des ruelles selon des orientations relativement régulières adaptées au relief. Un grenier est incendié à la fin de cette phase (vers 350 av. n. è.) : il a livré, outre de nombreuses graines carbonisées, un mobilier où dominent les doliums (jarres à grain), la vaisselle et les amphores massaliètes, accompagnés de céramiques attiques à figures rouges. Mobilier caractéristique de la fin du Ve et du IVe s. de Mauressip : urne "rhodanienne", urne et coupe non tournées locales, céramique attique, pseudoattique et grecque d'Occident (clichés M. Py). Les traces d'occupation sont nombreuses, durant la même période, à la base de la colline où des niveaux d'argile L'occupation du IIIe siècle, bien qu'attestée partout, marneuse sont exploités, sans doute pour fournir la semble moins dense que la précédente. C'est dans la matière aux toits de terre qui couvraient les habitations. première moitié du IIe siècle que de nouvelles transforma- De grandes fosses, résultant de cette extraction, servent tions interviennent. La tour sommitale est alors munie ensuite de dépotoir et livrent en abondance du mobilier des d'une enveloppe faite d'un parement de blocs en calcaire premières décennies du IVe siècle. tendre, soigneusement taillés et ajustés. Ce parement, La phase suivante (fin du IVe siècle) voit un bouleversement dont l'aspect technique dénote l'intervention d'une important de l'architecture du village de hauteur. On main-d'œuvre d'origine ou d'école grecque, est fondé sur construit en effet alors au sommet de l'oppidum une tour une assise où sont inclus des éléments moulurés provenant carrée en pierre sèche d'origine locale. À ses abords, les apparemment d'un monument antérieur. Sur certains blocs, habitations sont détruites pour permettre l'établissement on observe des marques de tailleur de pierre en lettres d'une vaste terrasse de dégagement limitée par des pierres grecques. plantées de chant et par un mur en grand appareil. Mauressip connaît alors, jusqu'à la fin du IIe siècle, une L'ensemble de la terrasse est remblayé avec des sédiments nouvelle période d'occupation dense. Les habitations sont antérieurs. restaurées, les murs rebâtis, les sols refaits. Des restes de 57 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 58 Habitations en pierres sèche des IVe-IIe s. dont le sol est en partie creusé dans le substrat rocheux, au sud de la tour de Mauressip (cliché F. Py). 58 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 59 maisons contemporaines sont également attestés en plusieurs points à la base de la colline. À la fin du IIe siècle, une habitation est même construite sur la terrasse s'étendant au sud de la tour sommitale. À cette époque, si les céramiques locales restent de technique et de typologie traditionnelles, les apports extérieurs changent de nature avec l'arrivée puis la domination des produits importés d'Italie (amphores italiques, vases à vernis noirs campaniens). Le village de hauteur est presque déserté au Ier siècle av. n. è. ; le parement de la tour commence alors à se dégrader. Très peu de documents de cette phase ont été Quartier d'habitation implanté à la fin du Ve s. au sud de la terrasse sommitale de l'oppidum de Mauressip (cliché F. Py). recueillis au sommet de l'oppidum. Par contre, le quartier de construction (fin du Ve siècle) et en montrer la bas, autour de la Font de Robert, se développe pour liaison avec une restructuration du village. C'est ensuite devenir à partir de l'époque augustéenne un village la possibilité qu'on a d'observer, pour les IVe et IIe-Ier important. Signalons que la colline sera à nouveau siècle av. n. è., l'articulation d'un habitat perché et d'un fréquentée au début de notre ère, époque où quelques habitat de bas de pente, en prise plus directe sur le bâtisses dispersées sont construites et où il est possible territoire agricole. C'est enfin, bien sûr, la tour sommitale : que certains secteurs de l'ancien habitat soient mis en son originalité, sa fonction probablement démonstrative, culture. son insertion dans l'habitat du IVe siècle, et le caractère L'un des intérêts de ce site est d'avoir connu une grec du parement dont elle est enveloppée au début du occupation relativement longue. Cependant, pour des IIe siècle en font un monument exceptionnel, témoignant causes naturelles (érosion des pentes) ou humaines de la pénétration de techniques helléniques et probable- (remaniements antiques importants, mise en culture ment de l'intervention d'artisans grecs jusqu'au cœur du ultérieure), la stratigraphie est inégalement conservée et pays indigène. certaines phases d'occupation (début du Ve siècle, fin IVe-IIIe siècles) ne sont en fait connues que par des Pour en savoir plus... lambeaux. Mais plusieurs autres points d'intérêt méritent de retenir l'attention : Mauressip est d'abord en Vaunage Cl. Raynaud et F. Favory, Mauressip, Saint-Côme-et- le seul habitat où l'on peut observer sur un même lieu Maruéjols (Gard), dans Les agglomérations gallo-romaines la succession de bâtisses en dur à une architecture en Languedoc-Roussillon, tome II, Lattes, Monographies légère, mais aussi dater cette transformation des techniques d’Archéologie Méditerranéenne, 14, 2002, p. 595-612. 59 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:48 Page 60 L’oppidum du Plan de la Tour à Gailhan, vu depuis le sud-est (cliché B. Dedet). 60 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:57 Page 61 L’oppidum du Plan de la Tour L ’oppidum du Plan de la Tour à Gailhan occupe le point culminant d’une longue colline calcaire que contournent les méandres du Vidourle entre Sommières et Quissac. Découvert en 1974, il a fait l’objet de recherches programmées de 1975 à 1988. Trois agglomérations protohistoriques, rythmées par différentes phases architecturales, se sont succédées entre le début du Ve s. et la seconde moitié du IVe s. av. J.-C. La première occupation du lieu débute avec la construction d’un mur de soutènement-enceinte délimitant une aire ovale de 150 m de long sur 50 m de large au maximum, soit environ 5000 m2, qui va servir d’assise aux trois habitats successifs. Cette construction communautaire reste cependant fort méconnue dans le détail car elle n’a fait l’objet d’aucune recherche particulière. Une ouverture à la pointe septentrionale du système semble indiquer l’existence d’une porte dans l’axe d’un possible chemin de crête. Différentes habitations du premier village (vers 475-425 av. J.-C.), aux parois de torchis sur poteaux porteurs et solin en 61 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:57 Page 62 Plan de la maison à absides 22-4 de l'oppidum du Plan de la Tour (dessin B. Dedet). 62 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:57 Page 63 pierres, ont été fouillées, et notamment une maison de plan bi-absidial de 9 m de long pour 4,6 m de large. Une cloison sépare deux pièces : l’une, avec restes de foyers et de rejets culinaires, dédiée à la préparation et à la consommation des repas ; l’autre, au fond, pour le repos, et le stockage des provisions dans des urnes indigènes disposées contre la paroi incurvée de l’abside nord. Sur des habitats littoraux du sud de la Gaule du VIe s. av. J.-C. au vaisselier hellénisé, on a pu imputer à l’influence grecque, l’existence de maisons à abside construites en briques de terre crue mais à Gailhan, dans un arrière-pays éminemment indigène, avec une technique constructive locale, on Vue de la maison à absides 22-4 de l'oppidum du Plan de la Tour (vers 475-425 av. n. è.) (cliché B. Dedet). peut faire l’économie de cette hypothèse : le plan absidial Plusieurs unités domestiques sont adossées au mur de puise en effet ses racines dans la Protohistoire régionale soutènement et communiquent à l’est vers un probable axe comme le montre son existence, entre autres, dans de circulation desservant le site dans toute sa longueur. Ce des habitations du Bronze final et du premier âge du sont en fait de petites fermes de 55 à 70 m2 de surface Fer découvertes dans l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées- chacune, comprenant un local d’habitation, une cour Orientales. domestique et, dans certains cas, un bâtiment annexe. Entre Le deuxième village (dernier quart du Ve s. av. J.-C.) est elles s’intercalent parfois un enclos (à bétail ?) ou un reconstruit sur les ruines du précédent, en mettant en terrain vague. Dans ce second village, le changement œuvre des techniques et un plan nouveaux sur le site. Il de l’architecture des maisons est radical par rapport à s’agit en effet désormais de constructions rectangulaires en l’agglomération précédente, mais il ne s’accompagne pas dur, avec des murs porteurs en pierres liées avec de la terre. d’un groupement des maisons en îlots compacts comme cela s’observe dans les villages du sud du Gard. Cette trame aérée présente cependant un découpage régulier de l’espace en rectangles, à la manière d’un lotissement. Abandonnée brutalement par ses habitants à la fin du Ve s. av. J.-C., l’unité domestique n°1 de ce village livre de nombreuses données, non seulement sur l’architecture, Oppidum du Plan de la Tour à Gailhan, phase 2 (vers 425-400 av. n. è.) : plan général du secteur fouillé (dessin B. Dedet). mais aussi sur les aménagements intérieurs 63 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:57 Page 64 Mobilier abandonné sur place dans l’unité domestique n°1 du Plan de la Tour (cliché B. Dedet). Restitution graphique de l’unité domestique n°1 du Plan de la Tour (dessin F. Souq). 64 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:57 Page 65 et extérieurs et l’utilisation de l’espace. Elle comprend une habitation rectangulaire divisée en deux salles spécialisées, une resserre pour les provisions et l’équipement de la maison, et une salle dédiée aux repas et au repos, avec foyer central, une cour avec banquette pour sécher des denrées et foyer pour les préparer, ainsi qu’un petit bâtiment annexe. Elle illustre de manière très précise la vie quotidienne d’une cellule familiale protohistorique. L’économie des habitants de cette agglomération repose sur quatre piliers : agriculture (blé, orge, lentilles, gesses et pois chiches) et élevage (bœufs, qui occupent la première place dans l’alimentation carnée, porcs, chèvres et surtout moutons), mais aussi, à un degré moindre chasse (chevreuils, lapins de garenne et surtout cerfs) et cueillette (fruits du cornouiller et glands). On fabrique des fromages comme le montrent les faisselles en terre cuite et des tissus comme l’attestent les nombreuses fusaïoles en terre cuite ayant équipé des fuseaux ; mais aussi la vaisselle culinaire et les vases de stockage montés à la main, sans le tour ; Mobilier caractéristique de la phase 2 l'oppidum du Plan de la Tour à Gailhan (fin du Ve s. av. n. è.) : vases non tournés locaux et céramique grecque d'Occident. les meules, les outils divers… Ce monde clos, refermé sur lui même, a cependant des contacts avec l’extérieur, attestés par bi-absidial, ensuite, à partir des environs de 425 av. J.-C., en dur la présence de vases tournés et d’amphores à vin importés de et de plan rectangulaire. Des abandons brutaux permettent aussi Marseille. une bonne approche de l’utilisation de chaque cellule et de ses Vers 400 av. J.-C., un troisième établissement est créé sur les aménagements, et une vision ethnologique de la vie des habitants ruines du second abandonné brutalement. Il comprend aussi de chaque maisonnée. maisons d’habitation, locaux annexes, cours et enclos, mais il est construit de façon plus légère, avec des parois de torchis sur Pour en savoir plus… poteaux porteurs, et en réutilisant pour partie certains murs du village précédent. Sa vie est brève et le site est définitivement B. Dedet, Habitat et vie quotidienne en Languedoc au milieu abandonné au milieu du IVe s. av. J.-C. de l’Age du Fer : l’unité domestique n°1 de Gailhan, Gard, L’oppidum de Gailhan est particulièrement précieux pour la supplément 17 à la Revue Archéologique de Narbonnaise, connaissance du milieu de l’âge du Fer. Un bon état de conserva- CNRS, Paris, 1987, 228 p. tion, notamment pour les vestiges des deux phases les plus B. Dedet, Une maison à absides sur l’oppidum de Gailhan, anciennes, autorise une excellente lecture des plans des Gard, au milieu du Ve s. av. J.-C. La question du plan constructions, d’abord en matériaux périssables et de plan absidial en Gaule du Sud, Gallia, 47, 1990, p. 29-55. 65 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 66 Vue aérienne de l’oppidum de Vié-Cioutat (cliché L. Monguilan). 66 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 67 L’oppidum de Vié-Cioutat A u contact du bassin d’Alès, des Garrigues du Lussanais et de l’Uzège, l’oppidum de Vié-Cioutat à Mons (en français Vieille-Cité), couronne la partie sommitale d’un rebord de plateau qu’enveloppe la Droude, un affluent du Gardon. Les vestiges bien visibles d’un rempart en pierre sèche ont trés tôt attiré l’attention car, dans son “Dictionnaire languedocien françois” paru en 1756, l’abbé A. de Sauvages illustre l’un des sens du mot “ruino” en mentionnant “les ruines de la vieille Cîouta, appellée autrefois Montilia, entre Mons & Montèl dans le Diocèse d’Usès”. Reconnu comme oppidum celtique et gallo-romain dès 1868 par Eugène GermerDurand, ce n’est qu’en 1953 qu’ont lieu les premières fouilles, avant de faire l’objet de fouilles programmées, de 1966 à 1979, sur plus de1500 m2. Une petite partie de l’assiette du futur oppidum est occupée au Chalcolithique, soit vers 2000 av. n. è., par une habitation isolée qui a livré un abondant matériel céramique de faciès Fontbouïsse. Après de nombreux siècles d’abandon, une vaste agglomération s’installe sur le site durant la seconde moitié du Ve s. ; elle durera jusqu’au milieu du IVe s. av. n. 67 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 68 Plan de la fouille 1 de l’oppidum de Vié-Cioutat (dessin B. Dedet). 68 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 69 è. (phase I). Après un nouveau hiatus, à l’aube du Ier s. av. n. è. une seconde agglomération est construite sur le même emplacement que la précédente (phase II ancien). C’est sans doute le VATRVTE de l’inscription “géographique” de Nimes (C.I.L., XII, 3362). En grande partie transformé à l’époque augustéenne, dans le dernier quart du Ier s. av. n. è. (phase II moyen), cet oppidum continuera à être habité jusque dans la seconde moitié du IIe s. de n. è. (phase II récent). Il est alors lentement abandonné, et de manière définitive. Au IVe s. un petit habitat, peut-être le “Montilia” de l’abbé de Sauvages, est attesté à 400 m au sud, entre Vié-Cioutat et le village de Monteils. Le village de la phase I (vers 450-350 av. n. è.) couvre environ 3 ha. Dépourvu d’enceinte, il se compose de maisons construites en torchis et poteaux porteurs en bois, Plan d’ensemble et localisation des secteurs fouillés sur l’oppidum de Vié-Cioutat (dessin B. Dedet). dont subsistent de nombreux calages, sur solins de pierres. l’arrière-pays du Languedoc oriental, alors que dans les Dans la fouille 1 elles sont implantées sur deux gradins régions plus littorales règne un urbanisme beaucoup plus rocheux grossièrement parallèles à la bordure du plateau. serré. Le mobilier traduit aussi une pénétration moindre des La mieux conservée est matérialisée par une aire circulaire produits importés que sur les sites plus méridionaux, en de 4 à 5 m de diamètre, avec foyer central et dix-sept vases particulier le vin véhiculé dans les amphores de Marseille, indigènes, urnes et coupes, retrouvés écrasés en périphérie. et les céramiques tournées fines pour le boire (cruches et D’autres cabanes, marquées par des solins rectilignes, coupes). ont semble-t-il un plan quadrangulaire. Par ailleurs ces Dès sa création vers 100 av. n. è., le second oppidum est édifices ne sont pas contigus, mais séparés par des protégé par une puissante enceinte de 705 m de périmètre, aires ouvertes où l’on retrouve des traces d'activités qui englobe une superficie équivalente à celle du premier diverses. village. C’est un rempart de type indigène, construit en Cette agglomération de la seconde moitié du Ve. et de la pierres sèches non taillées, avec deux parements tournés première moitié du IVe s. av. n. è. montre que la technique vers l’extérieur et un parement vers l’intérieur. Il se constructive à murs porteurs, qui à cette époque est la règle compose d’une courtine continue, conservée par endroits dans les villages du sud du département, n’a pas encore sur 3 m de haut. Il est percée de trois portes charretières, P1 atteint la région sous-cévenole. Elle offre aussi une et P2, disposées en biais, et P3, frontale. Seules les deux organisation lâche qui caractérise alors les villages de premières sont protégées par une tour ou un bastion; 69 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 70 Vue du parement extérieur du rempart de l’oppidum de Vié-Cioutat, construit vers 100 av. n. è. (cliché B. Dedet). Une maison du Ier s. av. n. è. de l’oppidum de Vié-Cioutat (cliché B. Dedet). 70 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 71 hormis une tour peu saillante au Nord, il n’y a pas d’autres ouvrages annexes. En marge de sa fonction défensive, cette puissante enceinte, bien visible de loin, a dû jouer un rôle ostentatoire et symboliser la cohésion du groupe humain qui l’habitait. Les maisons sont désormais édifiées en dur, avec des murs porteurs en pierres calcaires locales, simplement équarries, liées avec de la terre argileuse. Elles se composent d’une pièce unique rectangulaire, de 5 m sur 10, au sol en terre battue et au toit couvert “à la romaine”, de tuiles plates (tegulae) et rondes (imbrices). La création ex nihilo de ce second oppidum dans le contexte politique régional troublé du début du Ier s. av. n. è., tout près de la frontière cévenole de la Narbonnaise avec la Gaule intérieure encore indépendante, pose un problème d’interprétation. La “romanisation” de cet établissement paraît peu avancée. Au niveau architectural seules en Céramiques non tournées locales de la phase I de l’oppidum de Vié-Cioutat (vers 450350 av. n. è.) (clichés B. Dedet). témoignent les toitures. Pour le reste, le mode de vie paraît fondamentalement indigène, et les échanges, marqués par contre des bandes armées d’autres communautés voisines, les amphores et les vases à vernis noir importés d’Italie, ne mais peu redoutables pour sa propre armée. paraissent pas très différents de ce que l’on connaît sur les autres oppida du Gard intérieur. La comparaison avec Pour en savoir plus... l’oppidum-marché de l’Ermitage à Alès, à 10 km de distance, mais dominant la grande voie de pénétration vers B. Dedet, Recherches récentes sur l’oppidum de Vié-Cioutat le pays arverne qu’est la vallée du Gardon, est sur ce plan (Gard) 1966-1972, Bulletin de l’Ecole antique de Nimes, fort significative : à l’évidence cet établissement n’a pas eu nouvelle série 6-7, 1971-1972, p. 17-46. une vocation commerciale semblable. Par rapport à ses B. Dedet, Les niveaux protohistoriques de l’oppidum de homologues languedociens plus anciens, les défenses du Vié-Cioutat, à Mons-Monteils (Gard) (fouilles 1966-1968), rempart sont amoindries, en particulier par l’absence de Revue Archéologique de Narbonnaise, VI, 1973, p. 1-71. tours régulièrement espacées. Tout se passe comme si B. Dedet, Vié-Cioutat, Mons et Monteils (Gard), dans Les l’autorité romaine, autorisant une communauté indigène agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, à construire une fortification, cherchait à en limiter T II, Lattes, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, l’efficacité : ces défenses ne doivent être opérantes que 14, 2002, p. 856-864. 71 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 21:58 Page 72 L’oppidum de l’Ermitage d’Alès, vu depuis les rives du Gardon (cliché B. Dedet). 72 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 73 L'oppidum de l’Ermitage L a colline calcaire abrupte sur laquelle est installé l’oppidum de l’Ermitage surplombe immédiatement la ville d’Alès. Au contact de la plaine bas-languedocienne et du Massif central, elle domine le débouché d’une vallée importante, celle du Gardon d’Alès qui remonte au cœur de la montagne cévenole. Cet oppidum commande donc une voie de passage naturelle relativement aisée à travers les Cévennes, qui relie le Languedoc oriental et la basse Provence rhodanienne à l’Auvergne et au centre de la Gaule par la vallée de l’Allier. Cet itinéraire est bien attesté au Moyen Âge, sous le nom de voie Régordane. N’oublions pas non plus qu' à partir de 122 av. n. è., nous sommes ici en périphérie de la Narbonnaise, tout près de sa frontière avec la Gaule Chevelue. Bien que différents vestiges aient été signalés sur la colline dès le milieu du XIXe siècle, le frère Sylvéris, en 1906, est le premier à considérer qu’on a affaire à un “oppidum celtique”. A la suite des recherches menées par P. Roux entre 1930 et 1950, Jean Salles et un groupe d’archéologues bénévoles, effectuèrent entre 1952 et 1990 une série de fouilles de 73 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 74 sauvetage en ce lieu menacé par l’extension de la ville d’Alès. En 2006, les recherches ont repris sous l’impulsion de Fabienne Olmer. Deux grandes périodes d’occupation ressortent : la première, aux Ve-IVe s. av. n. è., la deuxième durant les trois premiers quarts du Ier s. av. n. è. Les lieux sont abandonnés vers 30 av. n. è., mais les fouilles de F. Olmer montrent que le sommet du site est réoccupé au cours du haut Moyen Âge, et c’est sans doute de cette époque que date l’enceinte construite aux deux tiers de la hauteur. Des vestiges d’habitat d’époque gallo-romaine ont été relevés au pied de la colline, au faubourg de Rochebelle ainsi qu’en rive gauche du Ermitage d’Alès, phase 2 ; échantillon de matériel découvert. 1 et 2 : amphores italiques portant une estampille ; 3 à 5 : plats et coupe campaniens (n°3 avec graffite LOUGOUS et n° 4 avec graffite SENO, en gallo-grec) ; 6 : lampe à huile en céramique campanienne ; 7 : gobelet ibérique dit de la “Côte catalane” ; 8 à 10 : coupes et urne celtiques ; 11 : mortier italique ; 12 : plaquette en os gravée d’un anthroponyme gallo-grec ADGONNOS (d’après B. Dedet et J. Salles). Gardon sous le centre ville actuel, qui assurent la continuité entre l’oppidum protohistorique de l’Ermitage et la ville médiévale et moderne d’Alès. La phase des Ve-IVe s. av. n. è. n’est attestée que par des objets trouvés en position secondaire dans des niveaux postérieurs, mais, en l’absence de découverte de structures en place, on ne connaît ni la forme ni l’organisation de cet habitat. Tout au plus les vases importés, amphores de Marseille et céramiques grises monochromes tournées régionales, montrent que cette agglomération participe des courants d’échanges qui parcourent alors les basses terres gardoises jusqu’au pied des Cévennes. Ces vestiges traduisent la consommation locale ; rien en tout cas qui annonce l’axe commercial que laisse percevoir la seconde agglomération, celle qui naît à l’extrême fin du IIe s. ou au tout début du Ier s. av. n. è., après deux siècles d’abandon des lieux. Cette seconde agglomération ne semble pas avoir été enfermée à l’intérieur d’un rempart. Les habitations fouillées Plan des structures découvertes sur le versant oriental de l’oppidum de l’Ermitage d’Alès, datant de la phase 2 (d’après B. Dedet et J. Salles). 74 sur le versant oriental sont installées dans un secteur très Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 75 complète, comprend au moins trois pièces spécialisées et, vraisemblablement, une petite cour, le tout sur une surface totale de 90 m2. A la fin de l’occupation du site, vers 40-30 av. n. è., une salle de cette maison est rénovée : on la dote d’enduits peints et son sol est pourvu d’une mosaïque à fond blanc parsemé de tesserres noirs et rouges et bordée de noir. Plusieurs indicateurs économiques (grande abondance des amphores vinaires italiennes, monnaies de Rome et des Avernes) et divers Plan des structures découvertes sur le versant oriental de l’oppidum de l’Ermitage d’Alès, datant de la phase 2 (d’après B. Dedet et J. Salles). aspects culturels (confort des habitations, consommation pentu, ce qui a nécessité la construction de terrasses par de coquillages marins, graffiti gallo-grecs) témoignent de creusement du rocher vers l’amont et étalement des déblais l'originalité de cette deuxième occupation par rapport aux soutenus par un mur vers l’aval. Les habitations sont ainsi habitats voisins et indiquent une place commerciale, un partiellement placées dans des encoches taillées dans le rocher oppidum-marché entre l’Italie et le Massif central durant les et leurs parois sont complétées par des murs en pierres deux premiers tiers du Ier s. av. n. è. liées avec de la terre. Le plus souvent la paroi rocheuse est doublée par un mur. Certaines pièces portent un enduit mural Pour en savoir plus... intérieur à la chaux, souvent coloré. Les sols, sont selon la fonction du lieu, en terre battue ou en béton de tuileau. B. Dedet et J. Salles, Aux origines d’Alès. Recherches sur Les toits sont couverts “à la romaine”, de tegulae et l’oppidum de l’Ermitage, Bulletin de l’Ecole Antique de d’imbrices. La maison 1, celle dont la fouille est la plus Nimes, 16, 1981, p. 5-67. 75 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 76 L’oppidum du Camp de César à Laudun, vu depuis la plaine (cliché B. Dedet). 76 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 77 L'oppidum du Camp de César E ntre Bagnols-sur-Cèze et Laudun, l’oppidum du Camp de César occupe un promontoire rattaché au plateau calcaire de Lacan. Il domine la vallée du Rhône au niveau de la confluence de la Tave au sud et la Cèze au nord qui donnent accès à l’arrière-pays. Le site est signalé dès le XVIIIe siècle, mais il faudra attendre 1972 pour qu'il fasse l’objet de fouilles proprement dites. Les premières, entre 1972 et 1974, sont à mettre à l’actif de Jean Charmasson, puis des recherches programmées étendues sont conduites entre 1990 et 1999 par Dominic Goury dans la partie méridionale de l’oppidum, permettant d’établir la chronologie de l’occupation du lieu : un premier habitat se met en place au Ve s. av. n. è., mais ne dure guère ; après trois siècles d’abandon, une nouvelle agglomération s’installe au début du Ier s. av. n. è. et persiste durant l’Antiquité galloromaine jusqu’à la fin du VIe s. de n. è., époque à laquelle se produit l’abandon définitif. Le nom actuel du village de Laudun, dans la plaine, au pied même de l’oppidum, garde peut-être la trace du nom antique de cette agglomération qui connaîtra un grand développement à partir d’Auguste : en effet, au XIIIe siècle Laudun est cité avec la graphie Lauduno dans laquelle on a voulu voir la déformation d’un Lugdunum, le suffixe –dunos indiquant une hauteur. Le premier village, au Ve s. av. n. è., est déjà fortifié. Un rempart barre l’éperon à l’ouest sur 475 m de long, du 77 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 78 Plan de l’oppidum du Camp de César, phases protohistoriques (d’après D. Goury et D. Lallemand). 78 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 79 sommet de la combe Roubaud à l’à-pic surplombant la vallée du Rhône. Avec la ceinture de falaises qu’il complète, il délimite une surface de l’ordre de 13 ha, ce qui est considérable pour la région à cette époque. On ignore cependant la densité des habitations. La courtine comprend trois segments rectilignes. Deux parements de pierre sèche, assez réguliers, aux lits de pose à peu près horizontaux, enserrent un blocage de pierres. Cinq tours quadrangulaires pleines, appuyées contre le parement, régulièrement espacées, scandent le tracé. Une porte frontale flanquée d’une ou deux demi-tours s’ouvrait peut-être sous une porte d’époque augustéenne, mais cette dernière a profondément remanié le secteur rendant difficile sa lecture. Un mur semblable barre transversalement une petite combe qui échancre le promontoire au nord-ouest et complète, dans ce secteur, la défense naturelle. L’habitat de cette époque est très mal connu, n’ayant fait l’objet que de deux sondages limités : des portions de parois de torchis sur solins de pierres montrent cependant une technique de construction bien attestée alors dans la région. Abandonné vers la fin du Ve s. av. n. è., l’oppidum est à nouveau occupé au début du Ier s. av. n. è. Un nouveau rempart est bâti alors en avant du premier, créant un nouvel espace habitable contigu à l’ancien. Il comprend une courtine rectiligne de 306 m de long barrant l’isthme qui rattache l’éperon au reste du plateau de Lacan, et un segment de 80 m fermant la partie haute de la combe qui permettait l’accès au village du Ve s. av. n. è. Ce mur, large de 3,5 à 5 m, sans fondation, est bâti en grands blocs montés à sec. Il est parementé sur ses deux faces, le parement intérieur présentant un fruit assez marqué. Deux portes charretières semblables, distantes de 119 m, s’ouvrent face au plateau. Chacune, large de 3,5 m, est encadrée de deux tours quadrangulaires construites en saillie selon la même technique que la courtine à laquelle elles s’appuient. Ce sont là les seules tours que comporte cette fortification. Ce second village est également fort mal connu. Très peu de restes s’y rapportant ont pour le moment été retrouvés à Rempart du début du Ier s. av. n. è. du Camp de César, délimitant l'oppidum à l'ouest (cliché D. Goury). l’emplacement du premier village, mais il est vrai que le lieu a subi d’importants et profonds remaniements à l’époque romaine. Les fouilles menées entre l’ancien et le nouveau rempart n’ont pas révélé de structures bâties, mais l’abondance du mobilier recueilli suggère une présence humaine importante. Si l’on met en relation ce fait avec ce rempart élevé de manière semble-t-il hâtive, peut-être avons-nous là l’indication du stationnement temporaire d’une population. Cette période est en effet fort troublée dans la région rhodanienne : après avoir affronté les incursions de peuplades barbares venues du nord, Cimbres et Teutons, le pouvoir romain doit alors faire face au soulèvement des populations indigènes qui se rebellent contre la colonisation de la Provincia. Pour en savoir plus… D. Goury, L’oppidum du Camp de César à Laudun (Gard) : premières acquisitions de la recherche 1990-1994, Revue Archéologique de Narbonnaise, 30, 1997, p. 125-172. D. Goury, Le Camp de César, Laudun (Gard), dans Les agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, II, Lattes, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 14, 2002, p. 755-765. 79 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 80 L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac, vu depuis la plaine rhodanienne (cliché B. Dedet). 80 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 81 L’oppidum de Saint-Vincent L ’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac surplombe la plaine rhodanienne à la jointure de deux vallées, la Veyre au sud, très modeste, et la Tave, au nord, beaucoup plus large et constituant un axe de pénétration vers l’arrière-pays, l’Uzège et la région d’Alès. Il occupe toute la partie haute de la colline, des environs de la courbe de niveau des 220 m jusqu’au sommet, soit 50 m de dénivelé, des surfaces souvent très déclives et irrégulières, incluant localement des éperons rocheux. Au couchant, un isthme étroit, à 245 m d’altitude, rattache le site au reste du chaînon et en constitue l’accès le plus aisé. Connu depuis la fin du XIXe siècle, cet oppidum fit l’objet de fouilles de 1963 à 1988 et en 1998 par Jean Charmasson, et en 1992 et 1993 par Michel Janon, Anne Roth et Alain Bouet. Sept phases d’une occupation discontinue ont été mises en évidence : une installation humaine sans doute réduite, dans la seconde moitié du VIe s. av. n. è. (phase 1) ; une vaste agglomération construite dans le dernier quart du Ve s. av. n. è. et abandonnée durant la première moitié du siècle suivant (phase 2) ; une fréquentation du site durant les IIIe et IIe s. av. n. è. (phase 3) ; une nouvelle agglomération bâtie au début du Ier s. av. n. è. (phase 4), qui durera jusqu’à la fin du IIIe s. de n. è. et se parera de monuments publics de grande envergure 81 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:26 Page 82 Plan général de l’oppidum de Saint-Vincent (d’après A. Roth Congès). dès l'époque augustéenne (phase 5) ; deux autres habitats ultérieurs, aux Ve-VIe s. et aux XIIe-XIIIe s. (phases 6 et 7). Les occupations protohistoriques sont mal connues du fait des bouleversements occasionnés par les occupations postérieures. De la phase 1 (vers 550-500 av. n. è.) seuls subsistent des tessons de céramique attique et d’amphore grecque découverts en position remaniée dans des niveaux plus récents. La rareté de tels vestiges, l’absence de structures datables de la seconde moitié du VIe s. av. n. è., laissent supposer une simple fréquentation du lieu en relation avec une agglomération plus importante repérée dans la plaine, au pied même de l’oppidum. Des documents de cette époque, sur les deux sites, témoignent cependant de relations commerciales précoces avec Marseille, liées à l’axe rhodanien. 82 C’est une importante agglomération qui est créée dans le dernier quart du Ve s. av. n. è. (phase 2 ; vers 425-350 av. n. è.). Un rempart de 1245 m de long la ceinture presque complètement, délimitant une surface d’environ 8,5 ha. Il suit grosso modo la courbe de niveau des 220 m d’altitude, prenant appui sur des pointements rocheux, ce qui lui donne un plan irrégulier, fait de saillants et de rentrants. Il s’interrompt en quelques endroits où des falaises rocheuses assurent la défense. Il est parementé vers l’extérieur de gros blocs de grès irréguliers, assemblés à sec. Le blocage interne de pierres est limité du côté intérieur de l’oppidum soit par un parement soit par la pente du versant. Une porte s'ouvre à l’extrémité occidentale, donnant sur le col. Son plan et sa structure ne sont cependant pas précisément connus du fait du remodelage de l’époque gallo-romaine. Une seconde porte se trouve à l’extrémité sud-ouest de la ville. La défense est complétée par une tour isolée, édifiée au sommet de l’éperon rocheux de La Gardie, à 600 m à l’ouest de l’oppidum, qui permet également la surveillance. Cet édifice (38 sur 24 m à la base pour 8 m de haut) s’appuie à l’ouest sur une falaise rocheuse ; sur les autres côtés, il est constitué de quatre paliers construits en retrait les uns sur les autres. Pour chaque étage un parement de blocs de grès maintient un blocage de pierres. Sur la plate-forme sommitale une épaisse accumulation de cendres incluant du mobilier des différentes périodes d’occupation de l’oppidum tout proche, atteste que des feux y ont été souvent allumés. Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:27 Page 83 Pour cette seconde phase d’occupation de Saint-Vincent les fouilles ont révélé, sur la terrasse juste contre le rempart au sud-est, les restes de plusieurs maisons à parois en torchis à poteaux porteurs. Ces maisons contiennent le mobilier domestique habituel de l’époque, mais elles livrent aussi un grand nombre d’objets en terre cuite particuliers : plaquettes rectangulaires, jetons de formes diverses, figurines en forme d’animal, vases rituels qui paraissent correspondre à des offrandes. Or cette terrasse se trouve juste au pied de l’éperon rocheux constituant le sommet de la colline : il pourrait donc s’agir du matériel dispersé provenant d’un lieu de culte naturel installé sur ce rocher dominant les habitations. Après deux siècles et demi d’abandon, il faut attendre le début du Ier s. av. n. è. pour que le site connaisse une nouvelle installation importante (phase 4). Le vieux rempart est alors réparé et remanié, et la porte principale renforcée, côté nord, par la construction d’une puissante tour. Quelques maisons en pierre sèche, de plan quadrangulaire, au sol en terre battue et recouvertes d’un toit en matière végétale, ont été exhumées à l’extrémité nord-est, près du rempart. Les déchets domestiques sont désormais amenés dans des dépotoirs. Le mobilier recueilli montre un Vue du rempart de Saint-Vincent en bordure de la porte principale de l'oppidum (cliché B. Dedet). groupe humain particulièrement ouvert aux échanges commerciaux, surtout avec Marseille et l’Italie (monnaies, amphores, vases à vernis noir). Les témoignages de l’usage de l’écriture, très abondants pour un habitat gardois de cette époque, vont d’ailleurs dans le même sens : de nombreux vases, indigènes ou surtout importés, portent, gravés après cuisson, les noms de leurs propriétaires en caractères grecs. Pour en savoir plus… Plan de la porte principale du rempart de Saint-Vincent de Gaujac, faisant apparaître les principales périodes de construction (d’après J. Charmasson et A. Roth Congès). J. Charmasson, L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac (Gard). Découvertes protohistoriques, Archéologie en Languedoc, 4, 1981, p. 77-84. J. Charmasson, L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac (Gard). Le système de défense et d’observation protohistorique, Archéologie en Languedoc, 4, 1981, p. 85-92. J. Charmasson, Les niveaux de cendres à structures de foyer (fin Ve s. - début IVe s. avant n. è.) de l’oppidum de SaintVincent à Gaujac (Gard), Bulletin de l’Ecole antique de Nimes, 17, 1982-1986, p. 91-132. 83 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:27 Page 84 Vue aérienne de l'oppidum du Marduel à Saint-Bonnet-du-Gard, dominant le Gardon (cliché L. Monguilan). 84 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:35 Page 85 L'oppidum du Marduel L 'oppidum du Marduel est situé à la jonction des communes de Remoulins, de Sernhac et de Saint-Bonnet-du-Gard, la plus grande partie du site relevant de cette dernière. Le gisement comprend un habitat perché, situé sur la colline du Marduel, et une zone basse sur la rive droite du Gardon, au lieu-dit Lafoux. Le site de hauteur est cantonné sur la face orientale, en forte pente, d'une butte calcaire qui s'étend de Saint-Bonnet au Gardon. Des traces d'occupation ont été repérées sur l'ensemble de ce versant, des premières terrasses qui dominent la rivière jusqu'à la crête, qui culmine à 151 m d'altitude. La zone sommitale est très érodée et l'essentiel des strates archéologiques conservées se situe à mi-pente, entre 50 et 75 m d'altitude. La zone suburbaine occupe quant à elle les berges du Gardon au pied de la colline. Des traces d'habitat antique s'y rencontrent jusqu'au ruisseau de Lafoux au nord, et bien au-delà de la voie de chemin de fer Remoulins-Nîmes au sud. Cet habitat était probablement lié à un gué, aujourd'hui noyé mais encore utilisé il y a peu, et sans doute, dans ses phases récentes, à un port fluvial établi immédiatement en aval, dont un quai en grand appareil, d'époque romaine, a été découvert. Deux 85 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:35 Page 86 Plan de l'oppidum du Marduel : agglomération de hauteur fortifiée (en jaune) et quartiers bas (en bleu) en bordure du Gardon, avec localisation des principales fouilles (dessin M. Py). 86 inscriptions gauloises en lettres grecques proviennent de cette zone : l'une (ΟΥΡΙΘΘΟΥΡΙΓΟΥ) sur un fût de colonne, l'autre (ΑΤΙΛΑ) sur la stèle d'une tombe du IIe siècle avant notre ère. Entamées en 1976, des fouilles programmées se sont poursuivies sur l'oppidum et à sa base jusqu'en 1990 et ont donné des informations de tout premier ordre sur l'occupation de ce site qui couvre presque toutes les périodes de la Protohistoire. Plusieurs sondages ont d'abord permis de se faire une idée de l'étendue et de la chronologie générale de l'habitat. Une fouille plus importante, dénommée "Chantier central", a été ensuite ouverte sur la terrasse qui domine la rivière. Les plus anciennes traces de fréquentation de la colline datent de l'âge du Bronze final II (XIe siècle av. n. è.) mais ces premiers habitants n'ont laissé que peu de vestiges. Une occupation plus dense se place ensuite à l'âge du Bronze final IIIb (IXe siècle av. n. è.). À cette époque, des cabanes en matériaux légers, faites de torchis sur clayonnage et poteaux porteurs, se répartissent sur la face orientale de l'oppidum, occupant des petites terrasses naturelles. On y a repéré des sols de terre battue ou aménagés avec des galets, livrant des restes de foyers et des calages de cloison sous la forme de pierres alignées. Mais dans beaucoup de cas, les restes de cette époque sont compris dans des niveaux de colluvions, ce qui indique une occupation discontinue, entrecoupée d'abandons ayant favorisé l'érosion des sédiments anthropiques. Des habitations étaient aussi implantées sur les berges du Gardon : on en retrouve des indices jusqu'assez loin au sud du site. Le mobilier de cette phase se rattache au groupe "mailhacien I" du Languedoc oriental, comme en témoignent de nombreux vases non tournés à décor incisé en double trait. Plus sporadiques sont les témoins d'occupation du début du Ier âge du Fer, qui se trouvent pour la plupart en position remaniée dans des remblais postérieurs. Il s'agit principalement de céramiques de la fin du VIIe et de la première moitié du VIe siècle av. n. è. : vases locaux de faciès Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:35 Page 87 "suspendien", amphores et "bucchero nero" étrusques, coupes de Grèce de l'Est… Les habitations sont du même type que celles du Bronze final. Une seule construction en pierre appartient à cette époque : il s'agit d'un épais mur de terrasse qui a pu jouer également le rôle de fortification élémentaire. C'est à la fin du VIe siècle av. n. è. qu'un village permanent se fixe sur la colline, protégé sur les côtés est et sud par un rempart monumental, l'un des plus anciens connus en Languedoc. Sur la face orientale du site, dominant le Gardon, ce mur d'enceinte est bâti en moyen appareil sur une base de gros blocs, particulièrement massive côté pente. Il est formé d'une seule épaisseur de mur, de 3 mètres environ de large, qui sert également de soutènement pour une terrasse aménagée par remblai contre son parement intérieur. Une vaste habitation contemporaine a été fouillée dans le Chantier central : appuyée au parement intérieur du rempart, elle est construite en pierre et possède deux pièces séparées par une cloison et une grande cour enclose. L'une des salles était pavée de lauses calcaires tandis que l'autre, en léger contrebas derrière une cloison en torchis, servait de resserre et a livré de nombreux vases écrasés sur place (céramique culinaire, doliums, amphores étrusques et coupe grecque d'Occident). Poterne sur la face sud de l'enceinte du Marduel (fin du VIe s. av. n. è.) (cliché M. Py). Oppidum du Marduel : parement intérieur du rempart de la fin du VIe s. av. n. è. dans le Chantier Central (cliché M. Py). Sur la façade sud de l'oppidum, le rempart archaïque monte en droite ligne vers le sommet de la colline où un important éboulis de pierres pourrait recouvrir une tour monumentale. Dans cette portion, on a dégagé une étroite poterne protégée par un avant-mur et une tour quadrangulaire faisant saillie de trois mètres par rapport à la courtine. Une série de stèles et de piliers en pierre à angles chanfreinés, retrouvés en divers points dans des murs ou des remblais du Ve siècle, sont attribuables à une phase plus 87 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:35 Page 88 Stratigraphie du Chantier Central de l'oppidum du Marduel : accumulation des niveaux protohistoriques recoupée par la création de terrasses agricoles (dessin M. Py). ancienne (VIIe ou VIe s. av. n. è.), car une dizaine d'entre eux était en remploi dans la fondation d'une habitation construite à la fin du VIe s. Parmi ces blocs se trouvait un fragment de buste hermaïque (muni de deux têtes opposées), portant un torque au cou, qui constitue la plus ancienne sculpture en ronde-bosse actuellement attestée en France. Un trou à la base du socle de ce buste montre qu'il était primitivement fixé sur l'un des hauts piliers monolithes trouvés en association. Ces éléments peuvent avoir appartenu à un sanctuaire précédant l'habitat fortifié. Les premières années du Ve siècle sont marquées par une intense activité : c'est à cette époque que se met en place, derrière le rempart, un système complexe de murs de soutènement faits de gros blocs entassés, retenant de puissants remblais de terre et de pierres. Sur les terrasses ainsi créées, plusieurs habitations en pierre, à pièce unique, sont construites. L'une d'entre elle possédait une petite cave en sous-sol. 88 Peu après le milieu du Ve siècle, le quartier situé contre la fortification est partiellement incendié. Les habitations précédentes sont détruites et les résidus carbonisés étalés contre le parement intérieur de la fortification. Sur les ruines de cet incendie, plusieurs nouvelles maisons, en général à une pièce, sont construites avec des murs faits d'un solin de pierres et d'une élévation d'adobes (briques de terre crue) : les grandes lignes du plan ainsi mis en place seront conservées, dans ce secteur, jusqu'à l'abandon du site de hauteur dans les premières années de notre ère. Peu après cette reconstruction cependant, vers 425 av. n. è., un grenier sera violemment détruit par un deuxième incendie ; les ruines de cette bâtisse ont été conservées en place et ont livré de nombreuses informations sur les techniques constructives et les activités agricoles de l'époque. Les autres habitations, bien que plusieurs fois remodelées dans le détail, resteront occupées sans grand changement jusque vers le milieu du IIIe siècle av. n. è. De nombreux Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 89 sols souvent revêtus d'argile, parfois pavés d'adobes, certains munis de foyers construits richement décorés, appartiennent à cette phase. On note aussi la présence de cloisons en briques crues, ainsi que plusieurs structures artisanales, notamment des fosses livrant des traces de la métallurgie du bronze. Durant la deuxième moitié du IIIe siècle, l'habitat est à nouveau transformé. Si les rues précédemment créées continuent d'être utilisées, plusieurs maisons sont alors désertées et certaines détruites, l'ensemble du quartier du Chantier central laissant alors l'impression d'une occupation moins dense que précédemment. Au cours du IIe siècle, ces habitations sont restaurées, de telle sorte qu'on revient à une trame d'habitat serrée. On note la permanence du tracé des voies de circulation ainsi que de la conception de la maison à pièce unique. Vers le milieu du IIe siècle, le rempart archaïque est renforcé par l'ajout d'un deuxième mur à l'extérieur, doublant le premier en largeur. Cet épaississement de la muraille, attesté aussi bien sur la face sud que sur la face est, semble avoir eu notamment pour cause l'élévation des sédiments anthropiques accumulés contre l'enceinte primitive, qui dut réclamer qu'on surélève l'ouvrage et qu'on en élargisse l'assise. Plusieurs modifications interviennent dans l'architecture tout au long du Ier siècle av. n. è. dans l'habitat du Chantier Central. Enfin, dans les dernières décennies précédant notre ère, on construit à l'emplacement d'anciennes habitations un vaste podium, sans doute pour un monument public, limité par un mur couronné de blocs de grand appareil. L'ensemble du site de hauteur est abandonné vers 10-20 de n. è. au profit de la zone basse (quartier de Lafoux), où l'occupation connaît alors une sensible extension au bord de la rivière, avec l'installation de quartiers artisanaux, notamment pour la poterie. La colline sera néanmoins réoccupée ponctuellement au Ve siècle de n. è., comme en témoignent des silos recoupant les niveaux préromains. L'intérêt évident des travaux menés sur l'oppidum du Marduel pour l'étude de la Protohistoire du Gard est de Évolution des structures bâties et de la voierie (en jaune) dans le Chantier Central de l'oppidum du Marduel (dessin M. Py). livrer une séquence stratigraphique continue très ample et très dense, recouvrant pratiquement toute la période. De ce fait, les résultats obtenus sur ce site complètent et organisent sur bien des points les indications fournies par d'autres habitats dont l'occupation est en général moins longue ou moins constante. Tenant compte de cette spécificité, la recherche a été principalement axée ici sur l'analyse de l'évolution dans le temps des usages domestiques, des structures bâties et des mobiliers archéologiques, au détriment d'une vision plus extensive de l'organisation de l'habitat, dont on ne 89 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 90 Buste hermaïque muni d'un torques et reposant sur un pilastre en pierre retrouvé en remploi dans le mur d'une maison de la fin du VIe s. av. n. è. sur l'oppidum du Marduel (cliché M. Py). Oppidum du Marduel : œnochoé en céramique subgéométrique rhodanienne de la fin du Ve s. av. n. è. (cliché M. Py). 90 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 91 connaît, il est vrai, que des portions réduites pour chaque phase. Malgré tout, les principales mutations qui ont affecté l'habitat protohistorique de la région sont perceptibles dans la stratigraphie du Marduel : notamment le passage, à la fin du Ier âge du Fer, d'une occupation épisodique à un établissement fixe et durable, marqué par la mise en place d'une architecture en pierre (rempart et habitations) ; la permanence de l'organisation du village au cours du IIe âge du Fer ; et au contraire son évolution rapide au Ier siècle av. n. è. Il en va de même pour le faciès de la culture matérielle et les données ethnographiques et économiques. Ces remarques ne doivent pas faire oublier cependant le caractère spécifique de plusieurs aspects de ce gisement, lié notamment à sa proximité de la vallée du Rhône. C'est cette situation, et les contacts qu'elle a favorisés, qui expliquent sans doute la précocité de l'apparition de certains mobiliers ou de certaines techniques par rapport au reste de la région : par exemple la sculpture, l'architecture en dur (fortification, maisons), l'emploi de la brique ou encore la circulation des monnaies. Murs de terrasse du Ier âge du Fer (en bas) et accumulation de maisons du IIe âge du Fer dans le Chantier Central de l'oppidum du Marduel (cliché M. Py, pris de l'est). Pour en savoir plus… M. Py et C. Raynaud, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet-du-Gard), I, Les sondages préliminaires (zones 01, 03-09, 05 et 08), Documents d'Archéologie Méridionale, 5, 1982, p.5-32. C. Raynaud, Stratigraphie du Marduel (Saint-Bonnet du Gard), II, les niveaux du Ve s. ap. J.-C. sur le chantier central, Documents d'Archéologie Méridionale, 7, 1984, p.111119. M. Py, D. Lebeaupin et al., Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), III, les niveaux des IIe et Ier s. av. n. è. sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie Méridionale, 9, 1986, p.9-80. M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), IV, les niveaux des IVe et IIIe s. av. n. è. Maisons et rues des IIIe-Ier s. av. n. è. au sommet de la stratigraphie du Chantier Central de l'oppidum du Marduel (cliché M. Py, pris du nord). sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie Méridionale, 12, 1989, p.121-190. M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), V, les niveaux de la seconde moitié du Ve s. av. n. è. sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie Méridionale, 15, 1992, p.261-326. M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet-du-Gard), VI, les niveaux du Bronze final au milieu du Ve s. av. n. è. sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie Méridionale, 17, 1994, 201-265. 91 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 92 L'oppidum de Beaucaire (collines de la Redoute et du Château) vu depuis le Rhône (cliché A. Michelozzi). 92 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 93 L'oppidum de Beaucaire L 'habitat protohistorique de Beaucaire, situé sur la rive droite du Rhône, est d'abord implanté sur les collines de La Redoute et du Château, aujourd'hui séparées par une tranchée laissant passer une route, mais qui ne constituaient alors qu'un seul massif. Première hauteur importante sur le fleuve depuis la mer, le site présentait un intérêt évident. Fréquenté dès les IXe-VIIIe s. av. n. è., il fut le siège d'un village au VIIe siècle, puis habité continûment semble-t-il à partir du VIe siècle av. n. è. jusqu'à nos jours. Cette longue occupation explique qu'il ne reste que peu de chose des premiers temps : les vestiges situés sur la colline ont été en grande partie détruits par les carrières qui en ont entamé la face nord, et par l'installation du château médiéval. Ceux qui s'étendaient à la base sud sont profondément enfouis et ont été recouverts par les villes romaine, médiévale et moderne. Néanmoins, quelques sondages stratigraphiques à La Redoute, et la surveillance des travaux d'édilité dans la ville basse, ont permis de se faire une idée de l'importance de cette agglomération protohistorique dont deux inscriptions nous ont conservé le nom : Ugernum. Les trois sondages menés à La Redoute ont apporté surtout des données sur les phases anciennes d'occupation. Des 93 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 94 Plan de situation de l'oppidum et des découvertes protohistoriques de Beaucaire (dessin M. Py). 94 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 95 (Le Sizen, les Marronniers, Les Colombes) situées à l'ouest de l'agglomération, ont livré des tombes contemporaines. La ville continuera d'être occupée à l'époque romaine à peu près sur les mêmes lieux. Les documents concernant l'habitat protohistorique de Beaucaire, bien que peu nombreux, apportent sur plusieurs points des éléments d'information précieux sur un site dont l'importance, durant la Protohistoire, a pu être mésestimée. Les sondages de La Redoute permettent d'abord de conclure à une occupation longue et –sauf à ses débuts– relativement continue durant les âges du Fer et au-delà. Mais surtout, en ce qui concerne la première occupation, les fouilles ont apporté des données nouvelles sur la phase de transition entre l'âge du Bronze et l'âge du Fer. Les découvertes fortuites intervenues sous la ville moderne ne sont pas moins intéressantes, dans la mesure où elles prouvent l'extension, dès une période ancienne, de l'habitat en plaine assez loin du site primitif, selon un processus observé sur d'autres grands oppida de la région. Enfin, l'étude de l'ensemble des données concernant cet oppidum et ses nécropoles a permis de montrer sa nature indigène, et d'écarter Mobilier du Ve s. av. n. è. recueilli sur l'oppidum de Beaucaire (La Redoute) : urne non tournée à décor incisé, coupe grise monochrome, vases peints de style subgéométrique rhodanien (cliché M. Py). l'hypothèse autrefois formulée identifiant le site avec la colonie massaliète de Rhodanousia. De nombreuses découvertes effectuées dans les rues du vieux Beaucaire lors de la pose du tout-à-l'égout attestent Pour en savoir plus… l'ancienneté de l'occupation de la plaine au sud de La Redoute et du Château. Les plus anciens témoins remontent B. Dedet, A. Michelozzi, M. Py, C. Raynaud et C. Tendille, au VIe ou au Ve siècle av. n. è. (rue du Dr. Anthoine, rue de Ugernum, Protohistoire de Beaucaire, ARALO, cahier n°6, la République) et témoignent de l'existence de quartiers Caveirac, 1978. bas dès cette époque sur le piémont. Vient ensuite une J.-C. Bessac et al., Études sur Ugernum, Beaucaire et le abondante série de documents des IIe-Ier siècle, ne laissant Beaucairois à l'époque romaine, 2 vol., ARALO, cahier n°15 aucun doute sur l'extension de l'habitat jusqu'aux et 16, Caveirac, 1987. abords du Canal à partir des années 175 av. n. è. Plusieurs R. Roure, Nouvelles données sur l'occupation protohistoinscriptions gauloises écrites en lettres grecques rique de Beaucaire (Gard), Documents d'Archéologie proviennent de la lisière sud de cette zone. Trois nécropoles Méridionale, 25, 2002, p.215-223. remblais et des lambeaux de sols, au contact du substrat, livrent des céramiques du Bronze final IIIb de faciès "mailhacien I" (IXe-VIIIe s.). L'occupation suivante est caractéristique du faciès "suspendien" (VIIe s.). Une fosse appartient au début du VIe siècle, tandis qu'un nouveau sol, avec traces de dilution d'argile, est de la fin du VIe et du début du Ve siècle. De puissants remblais contenant des pierres et des briques montrent la présence d'habitations en dur dans la deuxième moitié du Ve siècle. Dans les niveaux remaniés de surface, on recueille du mobilier des IVe-Ier siècle av. n. è. 95 Catalogue Archéo 2008 7/02/08 22:36 Page 96 ISSN 1767-2279 ISBN 2-907597-06-X Achevé d’imprimer janvier 2008 Dépôt légal 1er trimestre 2008 Maquette et impression LG éditions Nîmes Édité par le Conseil général du Gard Direction Culture et Sports Couverture AG 2008 Prix : 12 € 8/02/08 10:33 Page 2